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dimanche 31 décembre 2017

Presque célèbre - Almost Famous, Cameron Crowe (2000)


William Miller, un adolescent de 15 ans fan de rock 'n' roll et journaliste en herbe, réussit à se faire embaucher par le magazine Rolling Stone pour partir en tournée avec le groupe montant Stillwater. Durant ce voyage, il se lie d'amitié avec les membres du groupe, partage l'excitation des concerts, la reconnaissance de la foule, les jalousies, les rancœurs. Il rencontre aussi l'univers des stars du rock, un monde loin de la réalité, bercé par la drogue, les groupies et la musique. Il fera connaissance de Penny Lane, une jeune groupie qui participe à la tournée.

Le teen movie de son premier scénario Fast Times at Ridgemont High (1982) puis de son premier film Un monde pour nous (1989), les jeunes adultes férus de rock de Singles (1992) et l’envers du showbiz peu reluisant de Jerry Maguire (1996), tout cela constituait les jalons qui allait mener Cameron Crowe à l’autobiographique Presque célèbre. A l’âge où la plupart de ses camarades occupaient les bancs du lycée, Cameron Crowe sur la foi de quelques articles enflammés se fit engager par le magazine Rolling Stones comme journaliste musical et accompagna les groupes de ses rêves en tournée. L’occasion d’observer de près le cirque rock’n’roll des 70’s avec The Allman Brothers Band, Led Zeppelin, Eagles ou encore Lynyrd Skynyrd. Sortant du succès commercial et critique de Jerry Maguire, Crowe a ainsi l’opportunité de transposer sa tumultueuse adolescence à l’écran.

L’alter-ego de Crowe à l’image sera donc William Miller sous les traits poupin de Patrick Fugit. La dichotomie entre l’Amérique Wasp proprette et le stupre du rock’n’roll est souligné d’emblée par le contexte et les personnages. La mère angoissée (Frances McDormand) de William façonne un cocon surprotecteur pour ce dernier et sa sœur (Zooey Deschanel) qui favorise l’attrait pour le danger que représente alors le monde du rock. Tout en soulignant de façon amusée la précocité de William (le gag sur son véritable âge), Crowe entoure le rock d’une aura mythique et lointaine appuyée par la scène où notre héros découvre le legs de sa sœur ayant fui le foyer familial, soit sa collection d’albums favoris. Cet aspect inaccessible et ludique s’incarne également à travers la figure du légendaire rock critic Lester Bangs (Philip Seymour Hoffman), mentor de William qui lui donne l’averti d’emblée de la griserie factice que peut être la compagnie des rock stars pour le journaliste. L’envers du décor se révèle par les yeux émerveillés de l’adolescent par deux voies, celle du groupe de rock Stillwater mais également celle des groupies et plus particulièrement la reine d’entre elle, la divine Penny Lane (Kate Hudson).

Cameron Crowe capture avec énergie fièvre rock’n’roll de l’époque entre l’hystérie des concerts, les excès opiacés et sexuels backstage mais aussi le tourbillon créatif de cette époque. En adoptant constamment le point de vue de William, Crowe nous transmet les émotions de l’ado qui vit son rêve mais sème imperceptiblement les indices de la superficialité de cet univers. La posture cool des membres du groupe souhaitant s’allier le journaliste en herbe se désagrège peu à peu entre les déclarations creuses en entretien, un machisme larvé envers les fans et une guerre d’égo croissante entre le guitariste Russel Hammond (Billy Crudup) le chanteur Jeff Bebe (Jason Lee). Le film (et plus particulièrement dans sa version longue augmentée de 40 minutes sur le bluray) est une des transpositions les plus réussie de ce que peut être le quotidien d’un groupe en tournée : l’euphorie, la lassitude, les filles faciles, les villes interchangeables où se répète le rituel hôtel/scène… 

La monotonie a raison de la magie initiale et les aléas de la route débouchent sur des séquences joliment loufoques (l’électrocution sur scène et la fuite, l’aparté où Russell va faire la fête chez des fans ado d’une petite ville) ou parfois réellement cruels. Là encore introduit en amont par Lester Bangs, un des fils rouges du film est de saisir ce moment clé où le rock perd de cette naïveté et amateurisme des origines pour être rattrapé par le système, le règne de l’argent et diktats des maisons de disque. Les tensions internes naissent des égos et velléités de carrière solo, l’attrait du cachet conduit aux renoncements et trahisons silencieuses (la scène-clé de la rencontre avec le manager dépêché par la maison de disque).

Un personnage concentre toute cette fascination et ces sentiments contradictoires, la groupie ultime Penny Lane. Muse inspiratrice et vectrice d’un climat bienveillant, Penny Lane symbolise cette candeur initiale où les dieux du rock encore accessible pouvaient entretenir une sincère complicité et affection avec leurs fans. Le sexe est bien sûr omniprésent mais encore hédoniste, jusqu’à ce que l’amour s’en mêle. Penny Lane représente la femme sacrifiée à des musiciens trop lâches pour avouer leurs sentiments, pour surmonter le machisme de leur milieu. Kate Hudson trouve là le rôle de sa vie, alliant le charme de la girl next door, un glamour spontané et naturel. Vue par les yeux amoureux de William, Penny Lane nous est proche et inaccessible, forte et fragile – cette réaction poignante où le masque tombe brièvement quand elle apprend qu’elle a été exclue de la tournée pour 50 litres de bière. Russel (Billy Crudup) représente l’immaturité et les concessions du rock, Penny Lane son innocence disparue et l’impossibilité de leur couple amorce la bascule en germe.

Cameron Crowe en cinéaste positif s’applique surtout à retranscrire une nostalgie positive où la communion collective domine pour le meilleur (la réconciliation où tout le groupe fredonne Tiny Dancer d’Elton John en bus, la musique réparant tout) et pour le pire (un vol mouvementé prétexte à des confessions inattendues). Le film fonctionne autant en ayant les références (il semble que Stillwater soit plus spécifiquement inspiré des Allman Brothers, Penny Lane est-elle un mélange de la vraie Pennie Lane Trumbull et ses Flying Garter Girls, mais aussi de Pamela Des Barres, fameuse groupie de l’époque, auteur d’une biographie remarquée) qu’en les ignorants mais avec un fort désir de creuser la question. Malgré un succès mitigé, le film deviendra rapidement culte et demeure la plus grande réussite de Cameron Crowe. 

 Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Sony (privilégier la version longue encore plus touchante que le montage salle)

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