Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

Pages

vendredi 12 mai 2017

Sing Street - John Carney (2016)

Dublin, en 1985, Conor Lalor (Ferdia Walsh-Peelo), un jeune lycéen de 15 ans, est contraint de changer de lycée car ses parents, touchés par la crise économique, n'ont plus d'argent pour payer ses études. Dans ce nouvel établissement, il subit l'ambiance désastreuse du lycée religieux « Synge Street ». Inspiré par les groupes mythiques de l'époque tels que The Cure, Duran Duran ou encore A-ha, le jeune garçon forme un groupe de musique avec l'aide de ses nouveaux camarades et de son grand frère Brendan (Jack Reynor), pour séduire la belle et mystérieuse mannequin Raphina (Lucy Boynton).

L'amour de la musique irrigue la filmographie de John Carney et lui servit même de passerelle vers le cinéma quand il réalisa les clips de son groupe The Frames. Après la comédie musicale Once (2007) et Begin again qui explorait la passion et la difficulté du monde musical, John Carney aborde le sujet sous un angle plus intime. Le réalisateur propose ainsi une vision à la fois réaliste de son enfance dans l'Irlande des 80's et le fantasme de ce qu'il rêvait qu'elle fut. Le réalisme sera dans le quotidien difficile du jeune Conor (Ferdia Walsh-Peelo) dans lequel s'illustre la situation socio-économique sinistre du pays. Ainsi notre héros subit les conflits de ses parents dans l'impossibilité de se séparer (le divorce n'étant autorisé qu'en 1985 en Irlande) et leurs difficultés financières qui vont l'obliger à quitter son établissement privé pour le plus malfamé lycée de Synge Street. John Carney dépeint ce contexte morne avec crudité mais sans misérabilisme, que ce soit le racisme ordinaire (les préjugés et l'attitude qui guideront le recrutement d'un musicien noir dans le groupe), la violence (celle des autres élèves comme celle du corps enseignant religieux) et surtout en vraie fil rouge l'envie d'ailleurs qui semble s'incarner à travers l'exil londonien. L'échappée belle et l'exaltation du quotidien va donc entièrement reposer sur la musique. C'est par elle que Conor va timidement trouver un angle d'attaque pour aborder la belle Raphina (Lucy Boynton), l'affabulation précédent la vraie création du groupe qu'il s'invente pour l'épater.

L'ensemble des personnages secondaires reflètent les espoirs déçus (les parents de Conor, le frère aîné Brendan) ou amenés à l'être (Raphina et ses rêves de mannequinat) dans cette grisaille irlandaise. L'odyssée de Conor et ses camarades constitue donc une respiration, la musique façonnant un horizon plus étrange et luxuriant à observer avec curiosité et envie d'abord (le rituel de la légendaire mission Top of the pops), à s'approprier dans les instruments et l'écriture et enfin auquel accéder en tentant à son tour le rêve londonien. Les hauts et les bas amoureux guident l'inspiration et la complicité musicale du groupe et plus particulièrement les belles scènes de composition entre Conor et Eamon (Mark McKenna). La rencontre et les premières gammes des musiciens en herbe donnent des scènes fort ludiques et spontanées, la maîtrise et l'émotion des chansons se faisant au fil des émois des personnages. John Carney évite donc constamment le côté jukebox 80's vain, chaque insertion musicale et son imitation par le groupe obéissant à la construction dramatique du récit.

Bousculé par le grand frère et mentor Brendan (Jack Reynor), notre héros après avoir été éberlué par le Rio de Duran Duran en donne son charmant et maladroit pendant dans sa chanson The Riddle of the Model exprimant son attrait pour Raphina. Tout le film fonctionne ainsi, l'évolution vestimentaire allant avec ces influences où la dégaine de néos romantiques alterne avec les imperméables gothiques. Lorsque tout cela s'harmonise parfaitement, on aura quelques transitions somptueuses. Les confessions entre Conor et Raphina sur l'enjouement qui doit répondre à leur vie familiale sinistre et l'état permanent de "happy/sad" introduit ainsi merveilleusement In Between Days de The Cure puis le "à la manière de" A Beautiful Sea. John Carney a d'ailleurs composé avec Gary Clark la bande originale, la fragilité (Carney ayant forcé les requins de studio à jouer de façon plus maladroite par crédibilité) et le vrai sens mélodique des morceaux leur donnant un vrai ton intime qui dépasse le pastiche.

Le film pourrait sombrer dans la mièvrerie lors de la dernière partie où John Carney accompli tous ses fantasmes (repartir avec la fille, dompter la brute du lycée et partir) mais le conte reste toujours solidement accroché au réel. Ainsi le personnage de Brendan acquiert une facette plus touchante encore quand de mentor il s'avère le miroir raté de Conor, celui qui a renoncé et s'est laissé aller. Le beau final idéalisé constitue donc une belle ode à l'évasion, un contagieux espoir de se réaliser. Rock'n'roll is a risk.

 Sorti en dvd zone 2 français chez TF1 Vidéo


2 commentaires:

  1. J’ai trouvé ce film très sympathique ! Ce long-métrage dépeint la réalité de l’adolescence. Le scénario est très fluide et juste. J’ai aussi aimé les chansons ! On a l’impression de replonger dans les années 80.

    À bientôt !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Alice !

      Effectivement en plus de la justesse et sensibilité du film les chansons sont un gros point fort. Chacune est un clin d'oeil à un courant/groupe des 80's tout en existant par elle même et en s'inscrivant dans l'évolution des personnages. J'aime bien aussi que chaque mue soit vestimentaire ^^

      Supprimer