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vendredi 18 mars 2016

Lorenzo - Lorenzo's Oil, George Miller (1992)

En 1984, Augusto et Michaela Odone apprennent que leur fils de cinq ans, Lorenzo, est atteint d'une maladie rare, réputée incurable, l'adrénoleucodystrophie (ALD), qui provoque la détérioration brutale et irréversible du système nerveux. Totalement étrangers au monde médical et scientifique, les Odone vont se battre pour leur fils. Incapables de dénicher un médecin qui pourrait traiter la maladie de leur fils, un couple s'acharne à mettre au point leur propre traitement : l'huile de Lorenzo...

Alors qu’il accompagnait dans le monde la sortie de son cultissime Mad Max (1979), George Miller pris conscience au fil des interviews et des analogies faîtes par les critiques que sous le spectacle oppressant et nerveux, il avait créé une véritable figure mythologique avec le personnage de Max. Prenant cet aspect en compte de façon bien plus consciente dans Mad Max 2 (1981), George Miller fit de cette suite une véritable chanson de geste où sous l’imagerie post-apocalyptique Max était définitivement paré d’une aura légendaire dans la narration comme la mise en scène. Dès lors tous les films du peu prolifique George Miller (neuf films en plus de trente ans de carrière) constitueraient de véritables épopées dans les genres les plus inattendus, que ce soit avec le manchot danseur du film d’animation Happy Feet (2008) ou le valeureux cochon de Babe, un cochon dans la ville (1992). Cette volonté n’aura jamais été mieux assumée que dans Lorenzo’s Oil, dont le sujet certes poignant aurait plus tendance à évoquer le téléfilm larmoyant et qui entre les mains de George Miller devient une véritable odyssée intime.

Le scénario s’inspire de la véritable histoire d’Augusto (Nick Nolte) et Michaela Odone (Susan Sarandon), deux parents dont le fils Lorenzo fut atteint d’un mal rare et incurable, l'adrénoleucodystrophie. N’acceptant pas le verdict pessimiste des médecins, le couple à force de volonté et de vraie curiosité parvint réellement à faire avancer la recherche sur la maladie au point d’être à l’origine du traitement pouvant la ralentir voire préventivement la stopper : l’huile de Lorenzo. Le film s’ouvre sur des images élégiaques et fraternelles des Comores, où séjourne la famille Odone avant de retourner aux Etats-Unis. Cette vision du continent noir, berceau de l’humanité, annonce d’emblée la dimension mystique du film et la croyance inébranlable qui guidera les protagonistes. 

George Miller expose d’abord la terrible impuissance des parents face au diagnostic et aux symptômes qui altèrent progressivement le corps et la conscience de leur fils. Motricité réduite et troubles du comportement isolent le jeune Lorenzo du monde qui l’entoure à travers ce mal foudroyant supposé le terrasser au bout de deux ans. Courant d’un spécialiste à autre tout aussi inefficace, le couple va faire un terrible constat. Face à ce mal rare, le temps de la médecine tâtonnante n’est pas le même que le leur, parent jouant une véritable course contre la montre tandis que Lorenzo s’affaiblit de jour en jour. L’enfant n’est qu’un sujet d’études parmi tant d’autres sur lequel on expérimente à l’aveuglette des traitements sans effets. Dès lors Augusto et Michaela vont consulter toute la documentation existante sur ce mal, faire des recoupements et tirer les hypothèses que les médecins n’ont pas su faire. Comme tout les meilleurs films du réalisateur, Lorenzo est un film sur l'action plutôt que l'attente, où il s'agit d'avancer plutôt que de se soumettre à son  sort, le bitume de Mad Max a simplement été remplacé par les bibliothèque et le chevet du malade.

George Miller montre des personnages en lutte à la fois contre la maladie et contre la lenteur et le conformisme des institutions. Par un simple sens pratique, une prise de risque et la curiosité, Augusto Odone parvient à des recoupements permettant d’affronter la maladie avec l’usage d’une huile traitée. En endossant le regard de néophytes dont on suit les découvertes et l’acquisition de connaissances, George Miller rend limpide la manière dont ils avancent. Le réalisateur oscille entre tonalité exaltée et résignation selon qu’on adopte le point de vue de l’individu ou des institutions. Ces dernières constituent des entités opaques destinée à forger une douloureuse acceptation plutôt que l’espoir. 

La prise de risque, la peur de l’échec et la reconnaissance moindre incitent ainsi les médecins malgré toute leur bonne volonté (le personnage de Peter Ustinov) à ralentir le processus, la recherche prenant une lourdeur, une lenteur administrative peu adaptée à l’urgence de la maladie. Même constat de résignation dans les associations dédiées aux ALD, regroupement de souffrances commune, soumises au lobby de la médecine au lieu d’être le moteur les poussant à accélérer la recherche. L’obstacle est donc tout autant moral qu’organique pour les Odone qui harcèleront l’institution et la remettront en cause.

La mise en scène de George Miller confère à l’ensemble une force et une emphase aux antipodes d’une approche cafardeuse simpliste. L’imagerie se fait opératique (accentuée par une bande-son usant de musique classique don un sublime Adagio d'Albinoni) autant pour plonger les parents dans des abimes de désespoirs (bouleversante scène où Augusto lit les symptômes et le temps d’action du mal jusqu’au décès, le mot « Death » envahissant peu à peu l’écran en surimpression) que pour entretenir la flamme comme cette somptueuse nuit étoilée où Nick Nolte narre à son fils encore conscient les origines de son nom. Cette volonté du grandiose et de l’arrière-plan comme reflet des sentiments des protagonistes se ressent par la profonde stylisation des décors, tous les environnements hospitaliers par leur immensité et pâleur uniforme reflétant la douleur anonyme et impuissante des Odone. 

A l’inverse la maison familiale est le lieu des souffrances les plus crues (les longues et insoutenables crises respiratoires de Lorenzo) mais aussi de la proximité et l’espoir. C’est là que Michaela épuisera famille, médecins et infirmières qui l’incitent à lâcher prise et accepter l’inéluctable mais elle continuera avec un amour farouche et inconditionnel à border et lire des histoires à Lorenzo, persuadée qu’il saura y répondre un jour. Miller sait également se faire sobre en équilibrant ce mysticisme à une échelle intime comme ce superbe moment où l’ami africain entame un chant traditionnel pour Lorenzo. 

Les deux acteurs délivrent des prestations exceptionnelles. Susan Sarandon émouvante, vulnérable et déterminée est magnifique d’émotion écorchée et Nick Nolte (doté d’un accent italien impeccable) dans sa quête de savoir maladive revêt les doutes de l’Homme et l’exaltation de l’illuminé avec une rare intensité. George Miller englobe toutes les croyances dans ce mysticisme sans forcer le trait, tour à tour naïves danse cette attente d’une étoile filante, ancestrale avec le chant africain et religieuse avec cette ultime image sur une fresque où soudain se fait entendre la voix intérieur de Lorenzo. Un véritable chef d’œuvre trop méconnu dont le générique apporte un point final poignant à cette aventure inoubliable. 

Sorti en dvd zone 2 français chez Universal 

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