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lundi 15 février 2016

Les Cavaliers - The Horse Soldiers, John Ford (1959)

En pleine guerre de Sécession, le colonel Marlowe et son détachement de cavalerie nordiste se lancent dans un raid de sabotage en territoire ennemi. Durant le voyage, Marlowe s'oppose régulièrement au médecin militaire. Dans un périple, ils sont obligés d'emmener avec eux une aristocrate sudiste qui pourrait menacer le succès de la mission. Un autre antagonisme naît entre Marlowe et la Sudiste. Après maintes péripéties, ils arrivent à saboter la principale voie ferrée, à brûler train et coton. Poursuivis par les Sudistes, ils font tout pour leur échapper...

Les Cavaliers constitue une sorte de chaînon à la fois isolé et pouvant tout à fait s'ajouter à la célèbre trilogie de la cavalerie (Le Massacre de Fort Apache (1948), La Charge héroïque (1949) et Rio Grande (1950)). Ce qui l'en détache, c'est l'absence de continuité avec un John Wayne incarnant un tout autre personnage que le Kirby York dont on suivait la carrière militaire tout au long de la trilogie et surtout la période qui traite de la Guerre de Sécession. Grand connaisseur du conflit, Ford aura longtemps caressé le dessein de signer un film évoquant le sujet et ce n'est qu'en fin de carrière qu'il en aura l'occasion avec Les Cavaliers. Malheureusement, un tournage tumultueux (où il fut marqué par la mort accidentelle de son ami cascadeur et collaborateur de longue date Fred Kennedy) et un échec commercial en fera un opus peu estimé par Ford et la critique d'alors. Un constat assez injuste tant le film s'avère un opus passionnant et à la hauteur de la trilogie de la cavalerie dont il partage l'humanisme et le regard contrasté sur l'uniforme.

Le scénario de John Lee Mahin et Martin Rackin transpose les hauts faits du colonel H. Grierson qui en 1863 mena une brigade derrière les lignes ennemies, afin de détruire le maximum de matériel et de moyens de transport et de susciter une diversion aux manœuvres d'envergure du Général Grant sur d'autres fronts. John Wayne incarne dont le personnage renommé colonel Marlowe et le début du film nous le montre se faire confier cette périlleuse mission. La dureté nécessaire à mener à bien pareil périple transparait immédiatement à travers les attitudes du personnage, renforcées lors qu'on inclut à son régiment le Major Hank Kendall (William Holden), médecin militaire qui constitue son exact contraire. Au pragmatisme militaire rigoureux de Marlowe s'oppose donc constamment l'humanisme détaché de l'enjeu de Kendall et ce dès les préparatifs où Marlowe s'arrangerait volontiers d'emmener ses hommes de confiance quel que soit leurs santé quant Kendall s'y opposera. Une différence qui se confirmera dès la première anicroche sur le terrain lorsque Kendall quittera ses blessés pour aider une femme noire à accoucher, un ralentissement impensable pour Marlowe.

Alors que l'on s'attend à cette opposition binaire tout au long du récit, le scénario va s'avérer bien plus subtil. L'ajout forcé de Hannah Hunter (Constance Towers) à la compagnie va ainsi bouleverser le rapport de force. Celle-ci incarne au départ une sorte de cliché de la South Belle, tout à la fois par ses manières précieuses forcées et surtout sa haine farouche des yankees nordistes. Forcé d'enlever cette teigne toute prête à les trahir, Marlowe est forcé d'atténuer sa rudesse au contact de cette présence féminine même s'il lui en fera voir de toutes les couleurs lors de divers moments comiques. Si Kendall s'amuse de cette dame encombrante, Marlowe se montrera plus gêné et emprunté face à une Hannah constamment haine et indignée. Ford tisse ses différences qu'il illustre d'abord dans des péripéties sans conséquences où le regard des uns sur les autres sera progressivement changeant, Hannah étant surprise par l'attitude roublarde et digne à la fois de Marlowe face à deux déserteurs sudistes.

Dès lors durant des vrais moments de tension les déchirements n'en seront que plus intenses avec notamment un combat homérique et sanglant dans la ville de New Station. Les conséquences dramatiques du carnage marquent tout autant Hannah découvrant les horreurs de la guerre que Marlowe qui sous la nécessité de la manœuvre souffre du bain de sang qu'elle a nécessité. C'est un moment poignant où les personnages échappent à leurs camp respectif, Hannah brisée mais consciente que les conséquences auraient été tout aussi dramatique en cas de victoire sudiste et Marlowe ayant le triomphe amer et fendant l'armure avec une confession touchante.

Ford parvient donc tout autant à célébrer les valeurs de l'Union que le panache du sud (l'attitude des soldats sudistes feignant la reddition avant l'arrivée des troupes à New Station) tout en en dénonçant les travers. L'attitude obtuse puis digne dans la défaite d'un ancien compagnon d'arme de Kendall laisse ainsi un sentiment ambigu quant à la fierté sudiste qui laisse admiratif tout en interrogeant sur son fanatisme. On aura la même interrogation durant l'attaque des cadets d'une école militaire sudiste, des enfants envoyés dans une attaque désespérée où l'humanisme de Marlowe les sauvera en préférant battre en retraite plutôt que de décimer ces soldats en culottes courtes mais bel et bien armés.

Ford offre toutes les variantes possibles à ses morceaux de bravoures dont la mise en scène se plie tout à la fois à l'émotion du moment qu'aux contingences de la mission en cours. On a ainsi un vrai film d'aventures où l'on savourera l'habile montée de suspense et une magistrale gestion de l'espace quand l'instinct et la rigueur de Marlowe qui agence dans l'urgence ses soldats de manière stratégique alors qu'un ennemi inattendu déferle lors de la bataille de New Station. A l'inverse une certaine poésie et une dimension épique nimbe l'assaut des jeunes cadets, l'avancée des frêles silhouettes étant magistralement filmée par Ford dans un saisissant plan d'ensemble sur la plaine.

Enfin, le caractère héroïque peut enfin s'affirmer lors d'un superbe final désespéré. L'arrivée de la cavalerie initialement prévue au scénario est annulée avec le décès de Fred Kennedy et Ford offrira une bataille finale plus modeste (peut-être pas totalement crédible tant nos héros semble acculé), brutale et où l'humain prend le pas sur le spectaculaire dans l'expression de l'héroïsme avec un John Wayne fabuleux de charisme lors de l'ultime assaut. De même cette dernière scène où il traverse au galop un pont qui explose en arrière-plan est tout simplement somptueuse de puissance évocatrice.

Wayne est grandiose, viril et subtilement vulnérable et les échanges avec Constance Towers se font moins disert au fil de leur compréhension et sentiment mutuel pour finalement tout faire passer par le regard (la scène où elle le soigne dans la cabane) même si Marlowe se fend d'un aveux touchant et maladroit lors des adieux. William Holden apporte l'unité et le détachement humaniste paisible quand les deux autres protagonistes devront apprendre à se délester de l'idéologie pour se rapprocher. Une vraie belle réussite de Ford trop mésestimée.

Sorti en dvd zone 2 français et bluray chez MGM 

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