Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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dimanche 15 novembre 2015

Dernier Amour - Primo amore, Dino Risi (1978)

Ex-gloire de la comédie, Picchio tombe amoureux de Renata, jeune infirmière de la Villa Serena, la maison de retraite pour anciens acteurs de théâtre dans laquelle il vient d'arriver. Il décide de la suivre à Rome, pour vivre la première aventure amoureuse de sa retraite.

Dernier Amour témoigne du désenchantement touchant la comédie italienne dont l’âge d’or touche alors à sa fin. Cette idée s’exprimera soi par une férocité exacerbée virant au nihilisme dans le film à sketches Les Nouveau Monstres (1978) ou Affreux sales et méchants (1976) d’Ettore Scola soi par la mélancolie ressentie dans des classiques comme Nous nous sommes tant aimé (1974) ou La Terrasse (1980) du même Scola. Dino Risi aura exprimé ce désenchantement avec notamment son chef d’œuvre Parfum de femme (1975) mais qui se ressent globalement dans ses derniers films plus sombres et pesant. L’ensemble des œuvres citées sont (d’ailleurs produite par la Dean Film, véritable pavillon de ce chant du cygne de la comédie italienne) témoignaient d’une fin des idéaux politiques, humanistes et sociaux laissant les citoyens démunis face à une société italienne à bout de souffle, où il n’y a plus rien à réaliser. Dernier Amour fait le même constat même cette fois du côté des clowns du monde du spectacle tout aussi désabusés. Dino Risi se sera penché de manière amusée sur le monde du spectacle et plus précisément le cinéma dans L’Homme au cent visages (1959) et La Carrière d’une femme de chambre (1975) et fait de même avec Dernier Amour dans une veine plus tragique.

Cet essoufflement générationnel, notre héros Picchio (Ugo Tognazzi) le réfute. Ex-gloire  du music-hall, il est amené  séjourner dans une maison de retraite d’anciens acteurs. Le décor de cet ancien palais reconverti en maison de repos instaure une atmosphère passéiste qui fait des lieux un mausolée peuplée de momies s’agitant de leur derniers soubresauts et rêvant à leur passé glorieux.  Picchio se refuse donc à cet enkystement, montrant tous les signes d’une vitalité intacte avec son arrivée en voiture rutilante, son bagout et ses talents d’amuseurs intact. La séduction de Renata (Ornella Muti) jeune fille à tout faire de maison pourrait ainsi également le rassurer quant à son pouvoir de séduction. Si les pensionnaires du centre semblent avoir tout vus et vécus, la jolie Renata est comme une page vide, travaillant là depuis ses quinze ans. 

Plus que par ses tentatives de drague éculée, c’est par sa promesse d’ailleurs que Picchio va gagner les faveurs de Renata. En lui racontant et faisant miroiter sa vie du monde du spectacle, en l’épatant de ses talents d’amuseurs scéniques, Picchio fait entrevoir un univers inconnu de paillettes à une Renata conquise. Ugo Tognazzi est épatant de bonhomie rigolarde, témoignant d’une vraie sensibilité sous la fanfaronnerie. Ornella Muti dévoile sa beauté ravageuse dans une sobre élégance, le regard éblouit et les attitudes enfantines témoignant de son inexpérience en dépit de quelques indices troubles. Le rapprochement de ce couple improbable se noue ainsi habilement, chacun des deux malgré ses atouts (l’expérience et la confiance pour Picchio, la sincérité et la beauté pour Renata) témoignant d’une certaine vulnérabilité qui les rend attachant.

Tout cela va s’écrouler lorsque la romance tentera de se poursuivre à l’extérieur de la pension. La vulgarité, superficialité et les tentations diverses du monde moderne vont progressivement pervertir une Renata que l’on devinait influençable et manipulatrice. A l’allure modeste de la première partie succède ainsi des tenues criardes et provocantes témoignant de la perversion de la vie urbaine, vrai révélateur de son ambition. Dino Risi orchestre d’ailleurs une splendide scène d’amour tout effeuillage et regard brûlant d’Ornella Muti pour leur première étreinte, le calcul de Renata trouvant malheureusement les réels sentiments de Picchio en retour. Ugo Tognazzi se voit peu à peu rabaissé à la fois par leur différence d’âge (cruelle plan fixe sur la terrasse lors du voyage à Capri) mais également par sa dimension d’amuseur désormais dépassée. 

On pense à ce moment pathétique où il imite la gestuelle du célèbre comique italien Toto sans que Renata ne réagisse, la référence lui étant sans doute inconnue pour son jeune âge. Risi amène ainsi une nostalgie pathétique illustrant le fossé séparant le couple. Cette romance n’aura été qu’un dernier tour de piste pour un Picchio humilié et diminué (justifiant le titre français) mais le moteur de l’ascension de Renata au sex-appeal désormais très étudié (et justifiant le titre italien original). La boucle que forme la conclusion est une des images les plus noires du cinéma de Risi, l’émotion dont il est aussi capable prenant le pas sur sa veine caustique.

 Sorti en dvd zone 2 français chez SNC/M6 Vidéo

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