Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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lundi 2 novembre 2015

Chercheuses d'or de 1933 - Gold Diggers of 1933, Mervyn LeRoy (1933)

rois amies, Polly, Carol et Trixie, rêvent depuis longtemps de participer à une revue de music-hall. Elles ont d'ailleurs déjà signé un contrat exclusif pour un nouveau show. De son côté, le producteur, Barney Hopkins, cherche à monter un nouveau spectacle. Mais le nerf de la guerre, c'est-à-dire l'argent, lui fait cruellement défaut. Par chance, Brad Roberts, un jeune et fortuné compositeur, qui plus est épris de Polly, décide, par amour, d'investir 15 000 dollars dans le show. Les répétitions commencent. Innocente, Polly s'étonne de l'attitude de Brad. Elle en vient même à penser qu'elle a affaire à un voleur...

Après des débuts cinématographiques dans les "musicals" de Eddie Cantor où il commença à expérimenter les techniques et l'esthétique qui allait le rendre célèbre, Busby Berkeley est engagé à la Warner où en trois classiques sortis coup sur coup (42e rue, Gold Diggers of 1933 et Prologue) il devient un incontournable et une véritable marque déposée d'Hollywood. Les trois films sont très proche par leur postulat (la conception d'un spectacle musical) leur contexte et casting qui finit par constituer une familiarité avec le spectateur (le couple Dick Powell/Ruby Keeler) mais parviennent pourtant à se démarquer dans le ton. 42e Rue est le plus sombre et s'attarde notamment sur la solitude et la souffrance du créateur Prologue à l'inverse sur l'ivresse et l'euphorie de ce monde du spectacle. Gold Diggers of 1933 sorti entre les deux films précités (signé Lloyd Bacon) et réalisé par Mervyn LeRoy prolonge la veine sociale de 42e rue sans se départir d'une légèreté qui s'épanouira dans Prologue.

Les numéros musicaux ne sont ni l'aboutissement ultime de l'intrigue, ni des apartés indépendants mais constituent un habile entre-deux. Le scénario habile inscrit le contexte de Grande Dépression en contrepoint constant entre les numéros musicaux et l'intrigue classique. Le début du film fait ainsi rattraper le monde du spectacle par la crise économique avec la saisie des accessoires d'une revue à venir. Un évènement qui met dans le pétrin le trio de danseuses Polly (Ruby Keeler), Carol (Joan Blondell) et Trixie (Aline MacMahon) dont on rit jaune du dénuement dans l'appartement qu'elles partagent. Heureusement le nouveau spectacle monté par Barney Hopkins (Ned Sparks) et le talent du compositeur en herbe Brad Roberts (Dick Powell) vont les sortir de là.

Nous aurons ainsi découvert le contexte de crise par le monde réel alors que le premier numéro musical (si l'on excepte l'introduction We're in the Money de Ginger Rogers) célèbre un hédonisme et une imagerie plutôt associés aux Année Folles avec Pettin' in the Park avec ces jeux amoureux coquins, sa langueur et son érotisme élégant et très Pré-Code (les portes jarretelles bien saillants lorsque les danseuses dévalent les escaliers le déshabillage en jeu d'ombres). La légèreté du numéro offre ainsi un contrepoint à la difficulté matérielle ressentie dans la réalité en dépit de l'approche amusée. La suite du film inversera quelque peu cette construction, la Grande Dépression s'invitant sur scène tandis que le ton se fait plus léger dans le monde réel. On s'amuse ainsi du charivari amoureux jouant sur la lutte des classes, l'auteur Brad Roberts étant un riche héritier dont la famille n'accepte pas la carrière et le mariage avec Polly.

Son frère (Warren William) vient l'en dissuader mais s'éprend à son tour de Carol. Les quiproquos emportent l'adhésion et le romantisme charme sous les gags tordants (l'achat de chapeau), le snobisme des nantis et les sentiments intéressés des "chercheuses d'or" (Trixie hilarante de cynisme) étant renvoyés dos à dos. Après un marivaudage débouchant sur une romance inattendue (Joan Blondell toujours aussi pétillante au côté de l'emprunté Warren William) surmontant les clivages avec le sourire la crise se rappelle à notre souvenir avec un fabuleux numéro Remember My Forgotten Man décrivant la déchéance de ces soldats anonymes et livrés à eux-mêmes à leurs retour dans ce pays sinistrés qu'ils étaient parti défendre.

La séquence s'inspire de la réelle marche des vétérans organisée à Washington en 1932 et Berkeley déploie une imagerie expressionniste puissante, à la force dramatique poignante donnant une portée plus grande encore au film. Ce n'est pas le numéro le plus virtuose du film (The Shadow Waltz et ses violons en néons qui a précédé est là pour ça) mais le plus intense et touchant par la profondeur qu'il amène au récit, puissamment chanté par une Joan Blondell habitée. Le numéro impressionna tant Jack Warner et Darryl F. Zanuck qu’ils décidèrent de le déplacer à la fin du film (initialement destinée à Pettin' in the Park). Le sourire et les larmes dans un très habile dosage où la force narrative de Mervyn LeRoy est aussi importante que l'imagination débordante de Busby Berkeley.

Sorti en dvd zone 1 chez Warner 

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