Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mercredi 15 octobre 2014

La Promise - The Bride, Franc Roddam (1985)

Dans son laboratoire, le Baron Frankenstein donne le jour à une étrange créature, un homme au physique de monstre. Afin de lui offrir une compagne, il crée une femme, qui, effrayée à la vue de son fiancé, le fait fuir... Frankenstein reste seul avec cet être féminin qu'il va chercher à éduquer...

The Bride est une relecture très réussie du mythe crée par Mary Shelley qui saura judicieusement jongler entre les thématiques du roman et l'influence des classiques produit par la Universal, en particulier La Fiancée de Frankenstein (1935) dont il est le remake. Le film prend ainsi le même point de départ avec un Baron Frankenstein (Sting) sur le point de façonner une compagne à sa première créature (Clancy Brown), et ce sera le seul moment où Franc Roddam cèdera à l'imagerie gothique associée à Frankenstein : manoir imposant, ciel strié d'éclair et un laboratoire peuplé d'objets étranges et des résultats repoussants des précédentes expériences du savant.

La nouvelle créature naît sous les traits angélique de Eve (Jennifer Beals à l'opposé total de la prestation folle d'Elsa Lanchester dans La Fiancée de Frankenstein) qui effrayé par son supposé "compagnon" provoquera sa fuite. Dès lors le récit prend un tour étonnant, développant en parallèle la découverte du monde d’Eve et de la créature.

D'un côté le monstre va se lier d'amitié avec le nain Rinaldo (David Rappaport), vivant également une forme d'exclusion pour son physique chétif et qui témoignera de bienveillance sans répugnance ni condescendance envers la créature à laquelle il autorisera le statut d'être conscient refusé par son créateur en le nommant Viktor. Leur traversée de cette Hongrie rurale, leurs échanges et confessions mutuelle sont longuement dépeinte et rendent la créature très attachante dans sa maladresse, prolongeant en mieux l'entrevue avec le vieillard aveugle du roman (et reprise dans nombres d'adaptations). Viktor garde ainsi son côté rustre et pataud mais vu sous un jour bienveillant et jamais inquiétant, le scénario en faisant un amoureux éperdu rêvant de revenir au manoir conquérir Eve.

C'est justement celle-ci qui amène les questionnements les plus passionnants. Sa découverte de l'extérieur se fera par l'intellect, Frankenstein souhaitant en faire une femme éduquée et émancipée digne de tenir tête aux hommes. Derrière ses bonnes intentions, la dimension machiste demeure pourtant. D'abord quand le savant ne verra en Eve que le fruit d'une expérience scientifique à mener à bien plutôt qu'une femme libre, puis peu à peu lorsqu'un désir trouble et une jalousie maladive donnera une tournure possessive à leur relation. Sting s'avère là nettement plus convaincant que dans sa prestation outrée dans Dune l'année précédente et est parfait pour montrer comment le masque opaque et neutre du scientifique laisse place à l'attirance charnelle de l'homme, lui qui se pensait au-dessus de ce genre de sentiment.

On est plus dans une atmosphère de film en costume romanesque que d'un film d'horreur (même si des classiques comme Freaks ou La Belle et la bête son affleurés dans un registre plus sobre), Franc Roddam (qui avait déjà dirigé Sting dans Quadrophenia (1979)) apportant un soin tout particulier à sa reconstitution avec une superbe photo de Stephen H. Burum mettant bien en valeur les extérieurs somptueux tournés en France (Carcassonne , Clermont-Ferrand, Orcival). Ces extérieurs et leur cadre ensoleillés symbolise l'épanouissement de Viktor s'humanisant de plus en plus alors qu'à l'inverse les scènes en studio dispose d'une esthétique bien plus stylisé illustrant la relation ambigüe entre Frankenstein et Eve.

Les jeux d'ombres expriment un désir difficilement contenu (la scène où Eve descend nue à la rencontre de Frankenstein) tandis que les scènes de jour montreront l'affrontement psychologique entre Frankenstein dépassé par une Eve devenue son égal intellectuel et sur laquelle il n'a plus prise. De Pygmalion il devient dominé lorsque son machisme ordinaire lui fait balayer ses préceptes.

Le film prend réellement le temps de développer ces trajectoires parallèles, chacune des créatures s'avérant incomplète dans ses sentiments tant qu'ils ne se seront pas retrouvés appuyé par une sorte de lien télépathique pas suffisamment exploité dans l'intrigue. Le naturalisme des passages avec Viktor trouve exprime ainsi une sincérité qui trouve son inverse dans le formalisme, les tableaux et compositions de plan sophistiqué de celle entre Eve et Frankenstein, tout en pulsions contenue et frustration sous l'éclat visuel.

Clancy Brown trouve vraiment un de ses meilleurs rôles loin des brutes épaisses auxquelles on l'associe trop souvent (le Kurgan d'Highlander forcément) et Jennifer Beals dont la prestation fut injustement raillée (une nomination aux Razzie Awards) est aussi belle qu'habitée en "promise. Après ce développement subtil, il est dommage que le film accélère un peu grossièrement les péripéties et multiplie les raccourcis et coïncidences, gâchant un peu la conclusion. S'étant débarrassé d'emblée de l'apparat gothique, Roddam offre donc une conclusion à l'image de sa réinterprétation du mythe, romantique, lumineuse et magnifiquement portée par la musique de Maurice Jarre.

Sorti en dvd zone 2 anglais et doté de sous-titres français

4 commentaires:

  1. On partage votre enthousiasme, pour le film et sa musique :
    http://lemiroirdesfantomes.blogspot.fr/2014/09/la-promise-une-creature-de-reve.html?view=magazine
    https://plus.google.com/106170379069349876855/posts/gPCqRCwzhHa

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  2. C'est d'ailleurs votre article qui m'avait incité à le voir la boucle est bouclée ;-)

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  3. je parle d'autre chose : vous avez donc fini le Philip Roth,
    je vous ai érit hier que LE NOBEL aurait dû lui être attribué, ce que je pense volontiers lorsque j'entends mes amis. Mais on ne peut pas être partout, à la foire et au moulin. Je vous admire de lire et visionner en même temps, sans que film ou livre en souffre …
    Amok est un très bon ZWEIG, comme tous les ZWEIG
    le dernier que j'ai lu est LE MONDE D HIER, j'espère que le titre est exact. Ça me détend de venir parler cinéma/ou livre avec vous!

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  4. Oui beaucoup aimé ce Pastorale Américaine je pense que je vais attaqué le reste de sa trilogie américaine (j'avais plutôt aimé l'adaptation de La Tâche avec Anthony Hopkins à revoir après lecture). Pour Amok déjà fini et excellent en effet on retrouve cette description de l'amour passionné d'autres de ces ouvrages fameux (Lettre d'une Incnnue ou 24h dans la vie d'une femme) mais teinté d'une folie morbide assez fascinante un très bon Zweig en effet...

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