Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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jeudi 11 septembre 2014

The Chalk Garden - Ronald Neame (1964)

Une grand-mère cherche une préceptrice pour sa petite fille de 16 ans, Laurel, qui fait fuir tout le monde en révélant leur passé. Lorsqu'une postulante se présente avec un passé mystérieux, Laurel décide de découvrir ses secrets à tout prix. Dans le même temps, la mère de Laurel, mariée, divorcée, remariée, séparée... refait surface.

The Chalk Garden est un superbe mélodrame produit en Angleterre par Universal et plus précisément Ross Hunter dont on retrouve la patine des productions américaines dans le croisement d'esthétique chatoyante et de fonds torturé dans le propos. Le film est adaptée de la pièce éponyme d'Enid Bagnold écrite en 1956 et sera l'occasion d'offrir un de ses grands rôle à la star Disney et désormais adolescente Hayley Mills, ici bien entourée au casting avec son père John Mills, Deborah Kerr et Edith Evans. Elle incarne la jeune Laurel, adolescente vivant avec sa grand-mère (Edith Evans) et dont le caractère tempétueux a déjà épuisé nombre de gouvernante. Elle va trouver plus de résistance avec la mystérieuse Miss Madrigal (Deborah Kerr), nouvelle venue qui va se montrer d'une patience sans faille et afficher un répondant narquois qui va déstabiliser Laurel.

 La nature excentrique et l'attitude exécrable de Laurel tout comme la retenue de Miss Madrigal semblent pourtant être pour chacune une armure dissimulant des douleurs plus secrète. Ce seront d'abord celles de Laurel qui se révèleront. Hors des cadres proprets de Disney, Hayley Mills fut un des enfants acteurs au talent le plus manifeste et aux rôles les plus risqués comme dans le formidable Tiger Bay (1959). Elle le confirme ici avec cette Laurel complètement torturée, brassant des idées noires et capable par son bagout de déstabiliser n'importe quel adulte dont elle se délecte à repérer les faiblesses, déterrer les secrets en fouillant dans son intimité. Elle va pourtant tomber sur un mur avec Miss Madrigal, jeune femme sans passé, peu diserte mais dont le stoïcisme est trahit par quelques habitudes étranges comme de toujours laisser la porte de sa chambre ouverte. Miss Madrigal retrouve ainsi beaucoup de l'adolescente qu'elle était en Laurel, sait ainsi en parer tous les coups et devine les raisons de son comportement.

Ronald Neame offre une mise en scène au lyrisme feutré, la beauté du cadre portuaire, du luxueux domaine et de son jardin étant toujours au service de l'angoisse sourde habitant les personnages. Une atmosphère tendue et pesante règne constamment sous le semblant de légèreté, symbolisant l'emprise de la grand-mère incarnée par une Edith Evans incarnant un être bien plus complexe que sa bonhomie affable laisse entendre. La nature destructrice de Laurel lui doit beaucoup car elle a littéralement façonné le caractère de l'adolescente à l'aune de ses propres déceptions et rancœur, celle-ci représentant un trophée lui permettant de se venger de sa propre fille qui n'a pas suivi le parcours qu'elle lui destinait. Elle garde ainsi jalousement près d'elle Laurel, l'empêchant de retourner avec sa mère et la montant contre elle.

Hayley Mills est fabuleuse pour illustrer ce mélange de dureté adulte et de recherche d'affection inavouée, chaque ouverture possible étant tempérée par une réaction violente où une répartie acerbe. Neame s'appuie sur son jeu expressif, son bagout et sa malice qui la rendent tour à tour fragile et menaçante selon les lieux dépeint. Hors de l'influence néfaste de la maison, elle se montre plus avenante et capable d'exprimer ses douleurs même si elle se referme très vite (la scène de dessin sur la falaise, les retrouvailles nocturnes sur la plage) tandis que dans les scènes d'intérieurs c'est un vrai démon cherchant toujours à faire vaciller l'interlocuteur.

L'amusante scène de début où elle fait fuir une gouvernante venue postuler semble placer le récit dans un ton guilleret mais une saisissante noirceur s'installe très vite. Cela passe par les réplique crues et brutales de Laurel (tournant toujours autour de la mort ou du sexe) et les moments où elle s'abandonne, plus inquiétants que vraiment charmant comme lorsqu'elle adoptera en cachette des attitudes tendres et maternelle envers a poupée comme pur exprimer celle qu'elle n'a pas eu.

Deborah Kerr est tout aussi captivante dans un registre plus retenu où sa présence dégage une sentiment de force et de fébrilité, à l'image des rôles de mentor/victimes qu'elle a pu tenir dans Le Narcisse Noir (1947), Bonjour Tristesse (1958) ou Les Innocents (1961). Comme dans chacune de ces œuvres, un tumulte intérieur et un passé douloureux se devine sous le masque impassible. La sensation d'avoir un pendant adulte et une image future Laurel se fera de plus en plus fort (le majordome joué par John Mills étant finalement la seule figure de stabilité), un élément du passé de Miss Madrigal expliquant ainsi son attachement et sa crainte de voir la jeune fille prendre le même chemin. Neame l'exprime subtilement dans sa mise en scène où lorsque les deux personnages sont ensemble à l'image, le plus instable apparait toujours en amorce sur la droite de l'écran. C'est le plus souvent Laurel, mais le réalisateur perturbe de nombreuse fois ce repère en donnant cette place à Deborah Kerr comme pour nous montrer le mimétisme et le même trouble entre les héroïnes. Le cadrage d'une des dernières scènes plus apaisée les voit même occuper ensemble cette place à l'image.

Le secret de Miss Madrigal se distillera au fil de moments ludiques où Laurel l'épie, la questionne et fouille ses affaires, laissant poindre quelques indices qui trouveront leur explication dans un moment saisissant où Deborah Kerr brille par l'intensité de son jeu. On est jamais loin de basculer dans la pur noirceur et le quasi thriller, notamment par le score inquiétant (un thème au piano vraiment entêtant pour exprimer les fêlures) de Malcolm Arnold mais sous cette facette le film (et certainement la pièce) pose un regard finalement bienveillant. Edith Evans paraîtra ainsi plus comme une femme craintive de la solitude et de la vieillesse. Le final résout ainsi les conflits, tout en y laissant une part de mystère (le passé de Deborah Kerr omettant un détail essentiel). Une belle découverte.


Sorti en dvd zone 2 anglais chez Oeg Classic Movies et sans sous-titres

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