Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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jeudi 31 juillet 2014

Le Sens du Devoir - Royal Warriors ou Wong ga jin si, David Chung (1986)

De retour de vacances, l'inspecteur Michelle Yip parvient à empêcher un détournement d'avion par deux criminels Hong-kongais. Elle est aidée par un ancien policier japonais et un agent de sécurité. Arrivés à Hong-Kong, les trois héros sont fêtés comme il se doit, mais deux amis des terroristes décédés veulent les venger coûte que coûte.

Avec son mémorable Police Story (1985), Jackie Chan avait réussi un détonant mélange entre polar d’action survolté, arts martiaux et comédie. Le film modernisait le film de kung fu en l’inscrivant dans un genre et environnement urbain contemporain et créait une sorte d’alternative au polar héroïque tel qu’allait le définir Le Syndicat du Crime (1986) de John Woo. Jackie Chan n’allait réellement y revenir qu’avec Police Story 2 (1988) et surtout dans les années 90 (l’excellent Crime Story (1993), Police Story 3 et 4 (1992, 1996)) mais la vague était lancée et ne demandait qu’à adopter une nouvelle star. Ce serait la belle Michelle Yeoh qui s’affirmerait comme l’égal féminin casse-cou de Jackie Chan. Michelle Yeoh n’a à l’origine aucune compétence martiale mais une formation de danse classique stoppée par une blessure au dos. Sa beauté lui vaudra de nombreux prix dont celui de Miss Malaisie qui l’orientera vers une carrière cinéma. 

Repérée par le producteur Dickson Poon (qui deviendra son époux) à Hong Kong, cette sportive accomplie se passionne pour le milieu des cascadeurs de Hong Kong et va suivre une formation acharnée dans les meilleures écoles de kung fu de la péninsule. Clairement pas décidée à jouer les potiches et les demoiselles en détresse, elle décroche son premier rôle dans Le Flic de Hong Kong 2 (1985) où elle côtoie les autres « lucky star » Jackie Chan, Yuen Biao et Sammo Hung (également réalisateur) qui l’adoubent. Elle est donc prête à voler de ses propres ailes avec Royal Warriors (renommé In Line of Duty à l’international) où elle partage néanmoins la vedette avec le japonais Hiroyuki Sanada et Michael Wong, autre star montante de Hong Kong.

Le scénario est aussi simple qu’efficace. L’inspecteur Michelle Yip (Michelle Yeoh) de retour de vacances au Japon empêche un détournement d’avion destiné à faire évader un criminel extradé, aidé d’un policier japonais (Hiroyuki Sanada) et d’un agent de sécurité (Michael Wong). Célébré, pour leur exploit, les trois héros déchantent vite quand les anciens frères d’armes du criminel décident de le venger et bientôt les morts s’accumulent autour d’eux. On est loin du simple décalque de Police Story, la « charte » familiale de Jackie Chan étant balayée dès l’ouverture en avion avec son festival de balles perdues, de débordements sanglants et de victimes collatérales parmi les figurants. 

On est devant un vrai polar hard-boiled brutal où les incursions d’humour sont constamment désamorcées par un évènement tragique, le plus marquant étant la famille d’Hiroyuki Sanada victime d’un attentat. Les trois personnages sont caractérisés avec justesse (la mélancolie d’Hiroyuki Sanada tournant à la folie vengeresse, les fanfaronnades de Michael Wong et l’empathie, la fougue et la compréhension de Michelle Yeoh) et leur évolution intéressante, mais l’on a réellement d’yeux que pour Michelle Yeoh qui gagne là ses galons de star. 

L’actrice a retenu la leçon de Jackie Chan et tout comme lui évite de la jouer Bruce Lee au féminin, un être invincible et distant suscitant peu d’empathie pour au contraire accentuer a facette de hargne et de dépassement. Elle n’est ni l’égal ni au-dessus des adversaires masculins qu’elle affronte et (toujours à la manière de Jackie Chan) prends son lot de coups lors des joutes martiales mais sa rage la rende finalement bien plus redoutable que ses acolytes. 

L’actrice donne de sa personne et fait admirer ses capacités physiques dans des morceaux de bravoures virtuoses comme l’ouverture en avion, la course poursuite où elle affronte un adversaire conduisant un bulldozer. L’incroyable carnage dans la séquence du nightclub montre bien la fusion qu’opère le film entre kung fu pian et polar avec un établissement littéralement rasé, autant par les coups que par la pluie de balles tirées.

Cette simple histoire de vengeance aurait pu être très répétitive mais le script à l’intelligence de varier les compétences des adversaires. Tout d’abord, ceux-ci ne sont que trois donc les traditionnels combats à un contre dix façon chair à canon sont évacué pour un nombre d’ennemis plus restreint mais vraiment redoutable. L’ouverture en avion sert à présenter leur nature impitoyable, l’attentat et la scène du nightclub leur compétences meurtrières, les deux scènes mettant justement en valeur les aptitudes martiales de Michelle Yeoh (Hiroyuki Sanada étant très impressionnant aussi). Le ton change radicalement avec le dernier acolyte joué par Yin Bai, pas un combattant de premier ordre mais d’une intelligence et d’un sadisme qui vont vraiment mettre à mal nos héros. 

Le ton se fait d’un coup réellement sombre et désespéré et Michelle Yeoh peut se délester définitivement de la réserve de son personnage pour devenir un ange de la vengeance tout de noir vêtu dans la dernière scène. Pyrotechnie (l’explosion de décor finale), prise de risque bluffante (l’affrontement à la tronçonneuse) et coups qui font mal constituent l’excellent morceau de bravoure final où Michelle Yeoh s’avère plus iconique que jamais. Une belle réussite marquée par son époque (les tenues et brushing 80’s, la bande son assez ringarde mais l’amateur de cinéma de Hong Kong est habitué) mais diablement efficace. La carrière de Michelle Yeoh était lancée et elle remettrait bientôt le couvert dans la suite  Le Sensdu devoir 2/ Yes Madam dans une série qui compterait sept épisodes.

Sorti en dvd zone 2 français chez Metropolitan et la saga entière est également disponible en coffret



mercredi 30 juillet 2014

Les Belles de St. Trinian - The Belles of St. Trinian's, Frank Launder (1954)


A St. Trinian, un pensionnat de jeunes filles britannique où les jeunes élèves sont plus intéressées par les courses que par les livres, en même temps qu'elles essayent de trouver le meilleur moyen pour devenir riches rapidement.


Les pensionnats anglais, leurs uniformes et leur discipline qui préparent des élèves à devenir des gentlemen et des ladies, toute cette imagerie bien connue se voit balayée avec fracas dans The Belles of St. Trinian's qui reste la plus grosse réussite commerciale du duo Frank Launder / Sidney Gilliat. Le tandem avait déjà malmené avec humour l’univers scolaire anglais dans The Happiest Days of Your Life (1954) et son école mixte improvisée bousculant les mœurs d’après-guerre. Le générique dessiné du film était signé Ronald Searle, qui y reprenait les motifs de son célèbre comic strip, St. Trinian's. Ronald Searle publie les premiers dessins dépeignant les péripéties du pensionnat imaginaire de St. Trinian's en 1941 dans la revue Lilliput. L'artiste fut mobilisé peu de temps après, officiant à Singapour durant la Deuxième Guerre mondiale où il sera fait prisonnier et subira nombre de privations dans les camps japonais. A son retour en 1946, forcément sa vision du monde a changé et lorsqu'il revient à l'univers de St. Trinians le ton évolue radicalement pour se faire plus sombre avec des adolescentes rétives à l'autorité, délinquantes et à la sexualité précoce.
L'humour noir et la cruauté sont plus prononcés, certaines jeunes filles mourant dans d'horribles tourments suite à leurs mauvais penchants et leurs fréquentations douteuses. Tout cela baignerait dans une imagerie esthétiquement respectueuse des collèges anglais tout en la dynamitant, Searle s'inspirant des célèbres Perse School for Girls et St Mary's School de Cambridge, sa ville d'origine où il eut l'occasion d’assister aux passages bruyant des élèves. Searle tire donc son pastiche d'une vraie réalité, le nom de l'établissement imaginaire détournant d'ailleurs celui de la St. Trinnean's Girls' School d'Edimbourg où il fit ses classes en 1941 et croisa deux élèves particulièrement effrontées qui l'inspireront.

Le succès de la bd devait rapidement intéresser le cinéma et en 1954, Frank Launder et Sidney Gilliat en acquièrent les droits, les deux signant le scénario tandis que Launder s'attèle à la réalisation. Le matériau original se voit parfaitement respecté et le film s'avère aussi drôle qu'irrévérencieux, le changement principal étant de faire passer tous les outrages par l'humour et en atténuant la noirceur. Symbole de ce virage, le double rôle absolument génial d'Alastair Sim qui joue à la fois la directrice Millicent Fritton ainsi que son frère et parent d'élève escrocs Clarence Fritton. Tout comme le village d'Astérix dans l'empire romain, le pensionnat de St. Trinians nous apparait comme un îlot de rébellion irrépressible et source de tourment pour le Ministère de l'éducation et plus généralement pour une Angleterre paisible. Avant de voir les élèves en action, on va d'abord les entendre dans une mémorable scène d'ouverture où elle font figure de ruche bourdonnante et terrifiant les quidams sur leurs passage, ces derniers se rendant compte après coup d'un de leur mauvais tour comme cet agent de gare attaché à un chariot de bagage.

Launder détourne aussi les codes du film d'horreur pour figurer l'épouvante que suscite les school girls en usant de la vision subjective pour le bus les transportant et avançant comme une menace indicible tandis que les commerçant du village voisin de la pension ferment boutique en panique comme avant un duel de western. Et une fois qu'elles apparaissent, c'est le chaos absolu, un ouragan de couettes, socquettes et jupettes qui transforment l'espace calme du pensionnat en véritable champ de bataille. On apprendra que le projet initial de la directrice Millicent Fritton était de créer un modèle d'éducation original et novateur et comme le soulignera un dialogue, d'ordinaire les jeunes filles issues de pensionnat ne sont pas préparées au monde extérieur et là au contraire ce sera le monde extérieur qui ne sera pas préparé aux furies de St. Trinian.

La description du quotidien de l'école est tout aussi tordant : on fabrique du gin de contrebande en cours de chimie, le cours d'histoire-géographie consiste à désigner les meilleures années et régions pour ce qui est des crus de champagne. Les professeurs sans salaires depuis des mois et coincés dans cette galère ont abandonnés la partie et l'école est au bord de la faillite. Le salut viendra avec l'arrivée d'une élève étrangère, la princesse Fatima (Lorna Anderson) dont le père souhaitait offrir le meilleur de l'éducation occidentale. Cette nouvelle élève va attirer les vautours et notamment Clarence Fritton (Alastair Sim) ayant un cheval en compétition dans le même challenge que celui du père de Fatima et qui tentera de soutirer des informations par sa propre fille Arabella (Vivienne Martin).

Parallèlement le Ministère de l'éducation (dont les deux inspecteurs dépêchés ne sont jamais revenus, on découvrira leur sort) tentera enfin de faire fermer St. Trinians en envoyant un policier infiltré en professeur pour mettre à jour les agissements douteux de l'établissement. Parmi les élèves va également se mener une redoutable partie d'échec entre les élèves, les plus jeunes et amis de Fatima ayant pariés sur la victoire du cheval de son père alors que les plus âgées soutiennent Arabella et les manigances de son père.

Le scénario est parfaitement équilibré pour entremêler ses différentes sus-intrigues tout en réservant son lot de dérapages et gags délirants. On aura entre autre une partie de hockey très particulière avec une école extérieure où nos teignes ont un lot d'astuces pour ne pas gagner dans les règles comme réduire la taille de leurs cages ou assommer l'arbitre. Alastair Sim est grandiose dans son double emploi, roublard et carnassier en père de famille gangster et hilarant avec cette Millicent Fritton à l'attitude précieuse et délicate mais ne manquant pas de pragmatisme pour exploiter à merveille les mauvais penchants de ses élèves.

Le seul défaut pourrait être le manque de caractérisation spécifique d'élève, ces derniers étaient d'ailleurs déjà en retrait et réduits à des silhouettes dans The Happiest Days of Your Life. Launder rectifie pourtant ce défaut du film précédent en jouant à fond de l'origine comic-strip de St. Trinian. Sans forcément retenir leur nom, on s'attache aux personnages à travers les vignettes de leur méfaits les plus mémorable, les bouilles enfantines se retenant plus vite par le gag et faisant ainsi filer l'intrigue à toute vitesse. Dans l'opposition même de caractère et de génération on constate même une grande fidélité aux cases de Ronald Searle.

Les plus jeunes (The Four Form, préadolescente et toute jeunes fillettes) sont les plus mignonnes et attachantes et se rapproche le plus du dessin originel de Searle dans sa première mouture de 1941 tandis que les plus âgées (The Six Form déjà femmes et pour certaines trop vieilles pour être encore accueillies dans le pensionnat) s'avèrent les plus dépravées, néfastes et dangereuses et correspondent à la seconde vision plus noire que donna le dessinateur de sa création durant l'après-guerre. Frank Launder trouve ainsi un prolongement amusé à certaines thématiques de ses films plus sérieux où il s'interrogeait sur le devenir de la société anglaise face aux conséquences de la guerre, que ce soit avec la jeune femme mobilisée de Ceux de chez nous (1943) ou le couple de Waterloo Road (1945). Ici c'est un questionnement sur la jeunesse pervertie par une enfance vécue sous l'ère du marché noir et des privations et qui prolongent cet état d'esprit des adultes dans le monde l'enfance.

Le constat pourrait être très noir d'autant que Launder ne censure guère la bd, les Six Form n'hésitant pas à jouer de leurs charmes pour parvenir à leur fin et la sexualité précoce et agressive étant bien appuyée dans leur attitude et poses lascives. C'est cependant la débrouillardise et le bagout des Four Form qu'on retient et c'est elles que l'on souhaite voir sortir gagnante, Launder parvenant à susciter tendresse et empathie notamment grâce à Alastair Sim reflétant ces deux facettes (la perversion et la tendresse "pratique") avec ses deux personnages, la plus mémorable étant bien sûr celles travestie en Millicent Fritton.

Courses-poursuites, rebondissements inattendus et trouvailles géniales peuvent donc exploser dans une dernière partie de haut vol où le pensionnat devient un véritable champ de bataille où circulent les individus louches en tout genre. L'équilibre parfait du film lui évitera les mailles de la censure anglaise malgré les multiples outrages et The Belles of St. Trinians sera le troisième plus gros succès de 1954 au box-office. Trois suites verront le jour (Blue Murder at St Trinian's (1957), The Pure Hell of St Trinian's (1960), The Great St Trinian's Train Robbery (1966)) toutes signées Frank Launder et Sidney Gilliat et contribuant à installer St. Trinian dans la culture populaire anglaise au point de générer deux tentative de revival récent avec St Trinian's (2007 et où Rupert Everet reprend le flambeau de Alastair Sim) et St Trinian's 2: The Legend of Fritton's Gold (2009). Un classique de la comédie anglaise toujours aussi drôle en tout cas et très tenté d'attaquer toutes les suites.

Sorti en bluray chez Studio Canal

Extrait : They're back !!!!

mardi 29 juillet 2014

La Lettre du Kremlin - The Kremlin Letter, John Huston (1969)

 En pleine guerre froide, un groupe d’espions américains est envoyé à Moscou afin d’infiltrer les services secrets soviétiques. Leur objectif est de récupérer une lettre contenant des renseignements sur l’arsenal nucléaire chinois. Ce document, extrêmement compromettant pour les Etats-Unis, met en péril la paix mondiale. Le Capitaine Charles Rone (Patrick O’Neal) est en charge de mener cette opération…

En cette fin des années 60, deux tendances se dégageaient dans le film d'espionnage. Dépeindre le méandre du milieu dans toute sa méticuleuse froideur à la manière de L'Espion qui venait du froid (1965) de Martin Ritt ou en donner la vision séduisante, décomplexée et divertissante de la série des James Bond (et de ses suiveurs) qui triomphe à la même période. John Huston ne choisit aucune de ses deux voies dans La Lettre du Kremlin ou du moins y pioche juste ce qui l'intéresse, son film s'avérant étonnamment ludique et pas forcément aussi réaliste qu'on pourrait s'y attendre et surtout particulièrement tortueux dans sa trame. C'est surtout un pur film de Huston, anachronique aux tendances du moment donc mais aussi décalée en regard de celles à venir. Le cinéma américain des 70's placera la paranoïa et le doute du pouvoir en place au cœur de ses films d'espionnages (renforcé par les scandales d'alors comme le Watergate) alors que Huston nous dépeint un pur récit de Guerre Froide désormais un peu désuète.

Le thème récurrent de l'échec du réalisateur est au cœur du film mais si dans d'autres œuvres si échec il y a la quête a pu être belle et les aventures vibrantes, il n'en est rien ici avec un milieu de l'espionnage qu'il méprise. Un propos affirmé de manière cinglante dès l'ouverture où un amiral de la marine (joué par Huston lui-même) congédie avec mépris un de ses officiers, Charles Rone (Patrick O'Neal), convoqué par les services secrets pour y travailler. Cela signale aussi l'opposition entre une autorité noble et à l'autorité identifiable avec les agences gouvernementales nébuleuses (CIA, CIC or whatever comme l'assène Huston). Les aptitudes physiques et intellectuelles exceptionnelles de Rone vont en effet s'avérer nécessaire pour une mission à Moscou où il faudra récupérer une lettre compromettante pour le gouvernement américain et détenue par les renseignements russes.

La lettre va progressivement s'avérer être une sorte de McGuffin insaisissable et prétexte à un joyeux jeu de massacre où l'absence d'humanité et de morale de ce métier va se révéler. Les capacités hors-normes des agents vont tout d'abord être tournée en ridicule en montrant combien elles révèlent des êtres égocentrique et imbus d'eux même (Charles Rone), virtuose dans leur art mais perdu face à la réalité (la cambrioleuse jouée par Barbara Parkins) et dénué de morale (Nigel Green). 

Des "qualités" parfaites sur le terrain pour des personnages déjà double avant d'être mis en action (tous affublé de surnom) et dont la duplicité s'avère idéale pour endosser les personnalités qui les feront pénétrer le cœur de l'état-major russe, notamment en faisant sans vergogne commerce de leur corps ou de celui des autres. Le terrain de l'ennemi est également à double-fond puisque derrière le redoutable Kosnov (Max Von Sydow), son supérieur Bresnavitch (Orson Welles) le court-circuite pour servir ses propres intérêts. 

La partie d'échec est passionnante et comme l'affirmera la promotion du film une minute d'inattention et tout le sens de ce qui va suivre deviendra incompréhensible tant les coups de théâtre sont légions. On nous dépeint des monstres soumis à leurs objectifs mais le jeu de piste est diablement présent et Huston n'oublie jamais de faire surgir une pointe d'humanité sous la perversion et la froideur. C'est les regards de Rone dépité de laisser l'innocente BA se perdre, la perverse Erika (Bibi Andersson) réellement amoureuse de son gigolo, le dépit amoureux toujours de l'impitoyable Kosnov. 

Malgré tout c'est bien l'ombre omnisciente de Sturdevant, agent disparu et figure du mal absolu qui plane sur le film pour se révéler dans un final marquant. Tous ne semblent avoir été que des marionnettes destinés à servir ses objectifs, la résolution étant d'une rare noirceur où plane l'ironie du fameux L'Affaire Cicéron (1955) de Mankiewicz mais en plus désespéré.

Sorti en dvd zone 2 français chez Opening

lundi 28 juillet 2014

La Taverne de l'Irlandais - Donovan's Reef, John Ford (1963)


 Guns et Boats, deux anciens combattants du Pacifique se sont installés en Polynésie. La fille d'un troisième camarade, élevée dans la société puritaine de Boston, vient à la recherche de son père. Alors qu'ils se retrouvent, comme chaque année, dans l'île de Haleakaloa, où habite Guns, pour une rituelle bagarre, cet ancien marin irlandais va donner à la jeune héritière prude et pleine de préjugés une leçon de charité et de joie de vivre.

Donovan's Reef constitue la dernière collaboration entre John Wayne et John Ford. Le film déroule sur un mode bon enfant les motifs majeurs que le duo aura façonné à travers divers films mythique, Wayne retrouvant un emploi de dur à cuir maladroit dans l'expression de ses sentiments et surtout Ford prônant une fois de plus les vertus de tolérance et d'ouverture qui le caractérise. Le cadre paradisiaque (et imaginaire le film fut tourné dans l'Archipel d'Hawaii) de l'île de Haleakaloa en Polynésie Française va servir de révélateur à cette ouverture.

 Guns Donovan (John Wayne), le turbulent Boats Gilhooley (Lee Marvin) et le docteur Deedham (Jack Warden) ont découvert ce havre de paix alors qu'ils étaient mobilisés dans la Guerre du Pacifique et son tombé amoureux de ses habitants et cadre de vie pour ne plus en repartir, Deedham fondant même une nouvelle famille sur place. Ford nous enchante ainsi dès l'ouverture avec une vision de carte postale surannée des plages ensoleillée, des belles autochtones locales tout en dynamitant cette description par les mœurs agitées des occidentaux avec une bagarre homérique entre Donovan et Gilhooley, fêtant un vieil antagonisme dont ils ne se souviennent plus eux-mêmes du motif.

L'élément perturbateur arrivera avec Amelia (Elizabeth Allen) fille aînée de Deedham élevée à Boston et qu'il n'a pas revue depuis son enfance. Celle-ci arrive en vue de le discréditer sur ses mœurs locales afin ainsi d'empocher l'héritage familial. Deedham absent, Donovan va prendre les choses en main en faisant passer les enfants de son ami pour les sien et adoucir le tempérament revêche d'Amelia en lui faisant découvrir la beauté des lieux.

 La confrontation est aussi drôle qu'explosive entre l'ours mal léché ayant du mal à se contenir John Wayne et une très attachante et jolie Elizabeth Allen en citadine pince sans rire. Le charme et l'attirance opère sur un air de défi (le ski nautique, la course à la nage) entre ces deux fortes personnalité tandis qu'en arrière-plan Ford dépeint une beauté insulaire exotique idéalisée dans sa simplicité et son mélange des cultures polynésienne et hawaïenne dans un tout cohérent. 

Les enfants sont de parfaits exemples de ce métissage à travers le regard tendre de Ford, aussi à l'aise et turbulent pour exprimer leur culture occidentale (les leçons de piano endiablées) que les traditions locales comme ce très beau moment où la fille aînée entame un chant envers les dieux des montagnes et surtout la réponse si évidente qu'elle fait à une Amelia circonspecte. Cette vision de carte postale se fait ainsi plus intime et profonde à travers le regard du spectateur et d'Amelia qui aura appris à aimer cette communauté avant de connaître les liens fraternels qui l'y attache. 

Elizabeth Allen amène cela avec beaucoup d'émotion et de finesse (pour ce qui est son rôle cinéma le plus fameux semble-t-il dommage au vu du charme et du charisme déployé) passant de la caricature de l'occidentale coincée à lunettes à la femme épanouie, la bascule se faisant symboliquement lors de cette scène réjouissante où elle se déleste d'un maillot de bain d'un autre âge pour en révéler un autre qui épouse ses formes au point de perturber le stoïque John Wayne. 

Les moments d'actions, le machisme rigolard et les bagarres ne semblent finalement qu'un prétexte et un enrobage au vrai sens du récit. Cela n'empêche pas de se délecter de séquences hilarantes comme la grande bagarre entre un Lee Marvin sérieusement alcoolisé et une troupe de marins australiens.Un film sans conflit et bienveillant dont la conclusion entremêle parfaitement la plénitude et ouverture attendue et la romance la plus chahutée avec la fessée la plus romantique qui soi. Un des films les plus attachant de la fin de carrière de Ford.

Sorti en dvd zone 2 français chez Paramount (attention étrangement pas de sous-titres français sur le dvd mais la vf est bien là)



dimanche 27 juillet 2014

Blow Out - Brian De Palma (1981)

Alors qu'il enregistre les bruits nocturnes de la nature dans une campagne isolée, un ingénieur du son est témoin d'un accident d'automobile. Mais il va peu à peu s'apercevoir que cet évènement cache en fait une autre réalité...

Blow Out est sans aucun doute l’une des œuvres les plus brillantes et personnelles de Brian De Palma. Le film allie dans un tout cohérent la facette référentielle et cinéphile typique du réalisateur, son art du suspense et ses thématiques récurrentes. Comme nombre d’américains de sa génération, De Palma est absolument obsédé par l’assassinat de Kennedy, ses implications nébuleuses, sa nature irrésolue et les images fascinantes qui en existent notamment le film Zapruder. Le film arrive à une période où il souhaite se détacher de l’image de réalisateur de thriller roublard pour mieux se fondre dans un moule hollywoodien classique et des productions plus prestigieuses. 

Il sera donc impliqué dans la production du Prince de New York qui n’aboutira pas (finalement réalisé plus tard de façon magistrale par Sidney Lumet) mais ce sera l’occasion de recroiser la route de John Travolta  qu’il envisageait en héros et contribua à lancer dans Carrie (1976). Ce projet avorté inclurait aussi un des motifs majeur de Blow Out, le suspense potentiel d’un personnage en filature équipé d’un micro (une scène de flashback sur le passé policier de Travolta faisant directement référence à des situations qu’on verra dans Le Prince de New York).

De Palma s’attèle ainsi au scénario de Blow Out ou il mêle les influences du Blow Up (1967) d’Antonioni et de Conversation Secrète (1974) de Francis Ford Coppola. De Blow Up il tire l’idée d’un crime dissimulé dans un document à décrypter (une photo) et de Conversation Secrète l’énigme d’une source sonore ne pouvant être résolue que par l’image. Le thriller paranoïaque des 70’s et la tension et virtuosité du réalisateur complète parfaitement le cocktail. Jack Terry (John Travolta), ingénieur du son de cinéma  va se trouver le témoin d’un accident de voiture où va périr le gouverneur favori aux prochaines élections présidentielle. Il parviendra néanmoins à sauver Sally (Nancy Allen) passagère du prestigieux défunt. « L’accident » dissimule en fait une autre vérité plus trouble dont la signification est contenue dans les bandes sonores qu’enregistrait John ce soir-là. La facette paranoïaque reste finalement sous-jacente et la menace représentée par le tueur aussi grotesque qu’inquiétant incarné par John Lithgow. 

Ce qui intéresse De Palma, c’est son héros obsessionnel, son analyse méticuleuse des détails et la façon dont il parviendra à déceler la vérité au-delà de la surface des choses. Jack Terry représente ainsi un double de De Palma de par sa formation scientifique, sa maîtrise et sa maniaquerie qui le poussera à ressasser, encore et encore la bande-son de l’accident. Ce trait de caractère est saisi avec brio dans les différentes visualisations de l’évènement. 

La première voit Terry totalement fondu dans l’environnement sonore qu’il cherche à capturer, De Palma traduisant ce sentiment par l’image avec cette bifocale et ce jeu sur la profondeur de champs où le détail écouté par Terry apparaît au premier plan tandis que lui est en parallèle concentré et attentif. Cette quête entraîne un isolement du monde où Terry se fond dans sa salle des machines, décortique le moment clé jusqu’à reconstituer mentalement le moment par sa seule ouïe (dans un montage alterné brillant) et comprendre qu’un élément perturbateur vient contredire la thèse de l’accident, un bruit de coup de feu.

L’ultime signe de ce détachement maladif de Terry sera lorsqu’il liera image et son à travers les photos de l’incident, De Palma rendant crédible par le brio de sa mise en scène reconstitution techniquement impossible. Dès lors en dépit de l’affection et de la complicité devinée entre les personnages de Travolta et Nancy Allen, il n’est pas anodin que le scénario se refuse à réellement céder à l’histoire d’amour. Terry sans s’en rendre compte fait le même usage de Sally que ses gadgets sonores qu’il peut manipuler jusqu’à la corde pour en tirer la tonalité voulue. 

Sauf que Sally n’est qu’une frêle créature un peu naïve (Nancy Allen en femme-enfant aux antipodes de la séductrice autoritaire de Pulsions (1980) tourné juste avant) qui va se trouver confrontée au mal absolu par l’obsession d’un seul homme. Tout à son enquête, notre héros ne comprend pas cela si ce n’est dans l’extraordinaire dernière partie où il paie les conséquences de ses actes. De Palma conduit un suspense fabuleux où il joue justement de la perte de contrôle de Terry. 

La bande tourne, le danger se fait imminent et plus de possibilité d’isoler un son ou de revenir en arrière, le personnage se confronte pour la première fois à une réalité sur laquelle il n’a pas prise dans sa course éperdue pour sauver Sally dont l’existence ténue ne lui parvient plus que par son oreillette. Accélération désespérée (la voiture de Travolta traversant dans le chaos les festivités nationales), ralentissement résigné et dramatique (Travolta traversant la foule fêtarde à bout de souffle sur le score fabuleux de Pino Donaggio), l’impuissance humaine reprend ses droits de la plus cruelle des façons dans le haletant suspense final. 

Terry ne comprendra ce qu’il a risqué et perdu que dans une grande explosion finale, la caméra tournant autour de son visage dépité sur fond de feu d’artifices pétaradants comme pour célébrer ironiquement son malheur. Le perfectionnisme du personnage et celui du réalisateur se confondent, et si celui de Terry l'égare De Palma lui signe un de ses films les plus poignant avec sa virtuosité servant l'émotion comme rarement. L’homme brisé et le professionnel ne peuvent donc plus cohabiter que dans un son, ce cri de terreur qu’il aura cherché tout au long du récit et qui sera immortalisé dans une production au rabais, comme un symbole de sa culpabilité. Une des œuvres majeures de De Palma.

Sorti en bluray chez Carlotta

vendredi 25 juillet 2014

Ondine - Neil Jordan (2009)


Syracuse, un pêcheur irlandais, découvre un jour dans son filet une femme prénommée Ondine, dont il est persuadé qu'il s'agit d'une sirène. Au fur et à mesure qu'Ondine s'intègre dans la communauté, plusieurs théories émergent quant à sa nature, tandis que Syracuse commence à tomber amoureux d'elle...

Capable de donner aux chimères une réalité palpable (La Compagnie des Loups (1984)) et de conférer à un postulat réaliste une poésie surnaturelle (l'adultère de La Fin d'une liaison (1999)), Neil Jordan en fait encore la preuve avec ce superbe Ondine. Neil Jordan revisite ici dans un cadre réaliste et contemporain le mythe des selkie (la promotion française fait d'ailleurs un raccourci facile en en faisant des sirènes alors que ce n'est pas tout à fait la même chose), créatures du folklore marin anglo-saxon revêtant l'apparence de phoques en mer et qui sur terre enlève leur peau pour révéler des jeunes filles (ou jeunes hommes) d'une beauté exceptionnelle. Si l'homme à terre conserve la peau de la (ou du) selkie, celle-ci lui est dévouée et ils pourront alors s'aimer sauf si cette peau est retrouvée ou détruite sans quoi la créature retournerait à la mer.

Cette dernière facette de soumission est largement atténuée pour plutôt reposer sur la reconnaissance dans cette relecture moderne où le pêcheur Syracuse (Colin Farrell) à la surprise de trouver dans ses filets la belle Ondine ((Alicja Bachleda-Curus), une jeune femme amnésique qui ne souhaite pas être vue du reste de la population. Méprisé par le reste de la population en raison de son passé alcoolique, Syracuse ne peut que constater que sa chance semble tourner avec la présence de la belle inconnue notamment par des pêches spectaculaire. Pour Annie (Allison Barry), la fille de Syracuse à l'imagination fertile, tout cela est évident : Ondine est une Selkie.

Le film oscille dans un équilibre délicat où l'environnement réaliste semble toujours contredit par les évènements extraordinaires et la présence mystérieuse d'Ondine. Parfois c'est au contraire l'inverse qui se produit avec des situations terre à terre transfigurées par la magie et la force évocatrice de ce décor naturel portuaire irlandais (e film fut tourné dans la péninsule de Beara et plus particulièrement Bere Island, Dursey Island et Puleen Harbour) et le score envoutant de Sigur Ros. Tout un monde magique devient alors possible par la seule croyance que Neil Jordan parvient à transmettre à travers la foi d'Annie, le regard amoureux de Syracuse et la beauté et aura lumineuse d'Ondine.

L'extraordinaire ne devient pas tangible parce qu'il est prouvé mais car que l'on est prêt à y adhérer. L'ensemble du film propose ce double niveau de lecture ou l'interprétation est laissée au choix du spectateur, les évènements s'inscrivant dans le mythe de la selkie mais par le biais de d'évènements réalistes. La situation personnelle difficile des personnages (Syracuse luttant pour obtenir la garde de sa fille, Annie souffrant d'une insuffisance rénale et circulant en fauteuil roulant) semblent ainsi pouvoir être surmontés par le renouveau et la paix qu'apportent Ondine. Colin Farrell, irlandais pur souche (et qui avait tourné son premier rôle professionnel dans ce même Comté de Cork en 1998 pour un téléfilm) transpire l'authenticité en pêcheur local, tout en transmettant cette fragilité et présence rêveuse que l'on devine ouverte à l'ailleurs.

Alicja Bachleda-Curus est également une belle découverte, présence charnelle et évanescente que Neil Jordan choisit entre autre car elle était inconnue et susciterait la même interrogation au spectateur qu'au protagoniste quant à sa nature réelle. On saluera aussi la présence pétillante de la jeune Alison Barry, au charme mutin entre candeur et maturité étonnante. Comme dans tout conte, Ondine possède sa facette sombre ici dévoilé par un mystérieux étranger qui semble traquer Ondine, la selkie étant parfois amenée à être réclamée par un de ses semblables. C'est là le seul petit travers du film qui par cet élément dramatique gâche le mystère en donnant une explication réaliste ou le double niveau de lecture ne fonctionne plus forcément. Les plus rêveurs qui souhaitaient en rester à l'idée de la vraie présence d'une selkie en seront pour leur frais mais cela n'empêche pas d'avoir passé un très beau moment.

Sorti en dvd zone 2 français chez Eone



jeudi 24 juillet 2014

Jardins de pierre - Gardens of Stone, Francis Ford Coppola (1987)


En 1966, le sergent Clell Hazard (James Caan) et le sergent-major Goody Nelson (James Earl Jones), déjà vétérans de la guerre du Vietnam, sont cantonnés au bataillon de parade à Washington. Ils ont sous leurs ordres de jeunes recrues qui officient aux innombrables enterrements de soldats morts au Vietnam au cimetière militaire d’Arlington. Quand débarque un jeune soldat militaire jusqu'au bout des ongles, Jackie Willow (D.B. Sweeney), fils d’un vieil ami de Hazard, celui-ci le prend sous son aile malgré leurs divergences d’opinion sur la guerre en cours.

Huit ans après son mythique Apocalypse Now, Francis Ford Coppola abordait de nouveau la Guerre du Vietnam dans ce plus sobre et intimiste Jardin de pierre. Adapté d'un roman de Nicholas Proffitt, le film dans son traitement s’avère être l'anti Full Metal Jacket dont on pourrait le rapprocher et sorti en cette même année 1987. L'intrigue se déroule également dans une sorte d'antichambre de la Guerre du Vietnam avec un bataillon de transition pour de jeunes soldats avant une éventuelle affectation sur le terrain. C'est la section "Parade" où de jeunes recrues officient aux enterrements des soldats mort au front dans le cimetière militaire d'Arlington.

Une manière d'échapper momentanément à l'épreuve du feu pour les jeunes soldats avec une formation sévère mais bon enfant tandis que les officiers chevronnés et ayant fait leur temps y trouvent également un forme de retraite paisible. Tout le monde n'y trouve pourtant pas son compte te le jeune soldat Jackie Willow (D.B. Sweeney), fils de soldat aux rêves de grandeur, médailles et héroïsme. Il va se lier d'amitié avec le Sergent Clell Hazard (James Caan) qui n'aura de cesse de refréner ses ardeurs. Hazard est revenu de deux longues affectations au Vietnam et vit mal sa position privilégiée. Il vit une situation contradictoire puisque tout en n'approuvant pas ce conflit aux enjeux incertain, il pense néanmoins que sa place est sur le terrain et ronge son frein dans ce quotidien trop paisible.

Les personnages semblent être des anachronismes dans cette Amérique post-Kennedy désillusionnée où le temps des héros et des guerres justes semble révolu. Le film n'est donc pas antimilitariste mais s'interroge à travers le personnage de Caan respectueux de l'institution mais mitigée quant à ses objectifs. Caan est excellent pour exprimer cette dualité, capable de nouer une relation amoureuse avec une pacifiste farouche (Anjelica Huston) tout se confrontant violemment à un civil critiquant le corps de l'armée. On a donc une vision chaleureuse de cette corporation, constituant un beau récit initiatique pour Willow moqué, encouragé et au final soutenu par ses supérieurs (James Earl Jones est des plus savoureux également) reconnaissant ses qualités.

Willow est la droiture et franchise incarné, autant par la conviction de sa vocation militaire que par ses amours avec la très belle romance entretenu avec Mary Stuart Masterton. Willow est un héros en puissance dans une époque et un conflit qui n'en a pas/plus besoin et ce sera son drame, toute la dimension romanesque du personnage étant vouée à un brutal retour à la réalité. Ne montrant la guerre que via des images d'actualités, Coppola fait pourtant courir ce désenchantement tout au long du film. L'issue cruelle est connue dès le départ et n'en rend que plus tragique les grandes aspirations de Willow, cette désillusion se traduisant par sa voix-off des lettres qu'il envoie à Hazard du Vietnam et où l'on constate une amertume et impuissance loin de l'exaltation de départ.

Coppola retrouve vraiment la tendresse et la veine intimiste de ses meilleurs films des 80's (Peggy Sue s'est mariée (1986), Outsiders (1983)), délaissant les expérimentations pour une sobriété au service des personnages. Les beaux moments ne manquent pas : Willow apprenant la mort de son père, le rendez-vous amoureux de Willow contrariée par une manœuvre militaire impromptue ou la première rencontre entre James Caan et Anjelica Huston. Tout cela fonctionne dans une sorte d'attente, d'aparté idéalisé (la photo de Jordan Cronenweth baigné du voile du souvenir, le thème musical mélancolique de Carmine Coppola) avant qu'une impitoyable réalité reprenne ses droits.

Sorti en dvd zone 1 et doté de sous-titres français