Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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lundi 1 juillet 2013

Le Veuf - Il Vedovo, Dino Risi (1959)


Homme d'affaires médiocre et dépensier, Alberto Nardi est marié à Elvira, issue d'une riche famille à la tête d'une fortune conséquente. Alors que les créanciers le harcèlent, son banquier accepte de lui prêter de l'argent uniquement si son épouse le garantit. Lassée d'éponger les dettes de son mari, Elvira refuse et Alberto se prend à espérer un prompt veuvage...

Il Vedovo est la première collaboration importante entre Dino Risi et Alberto Sordi dont les précédents films en commun n'avaient pas été marquants pour le réalisateur dans le mineur Venise, la lune et toi (1958) ou l'acteur dans Le Signe de Venus (1953) où il tenait un rôle secondaire. S'il faudrait attendre le suivant Une Vie difficile (1961) pour que les deux signent un chef d'œuvre de la comédie italienne, Le Veuf est déjà une belle et fort amusante réussite. Le film annonce en moins féroce le génial Il Boom de Vittorio De Sica (1963) qui y fustigeait la génération de jeunes viveurs dépensier et oisifs qu'avait créé l'embellie économique que rencontrait l'Italie.

Héros de Il Boom, Alberto Sordi répète en quelque sorte son rôle à venir en campant ici déjà un industriel médiocre et imbu de lui-même. Alberto est un homme tout en paraître et belle paroles qui ne séduisent que les plus sots (ses subalternes ou sa jeune maîtresse écervelée jouée par la charmante Leonora Ruffo) quand les plus clairvoyants ne sont pas dupes et devinent le perdant qu'il est. Le début du film le cerne en quelques scènes où on le voit poursuivit par les créanciers, feindre la réussite sociale (c'est plus simple en empruntant la voiture neuve de Madame) et céder à toutes les bassesses pour s'en sortir tel que revendre les luxueux cadeaux fait à sa maîtresse pour régler ses dettes.

Dans son malheur, Alberto subit l'humiliation du miroir déformant renvoyé par son épouse Elvira (Franca Valeri) qui elle est richissime, habile en affaire et réussit dans tout ce qu'elle entreprend. Elvira lasse de ses mensonges et de ses échecs le méprise désormais et ne lui est plus d'aucun secours financier, ce qui le place dans une impasse pour le prêt qu'il souhaite obtenir et où la signature d'Elvira est nécessaire.

Risi pose ici un regard féroce sur la bêtise de ces parvenus bons à rien, se montre d'un progressisme étonnant avec ce personnage de femme entrepreneuse (d'autant que Franca Valeri est charmante et pleine d'esprit, jamais présentée comme une épouse castratrice et monstrueuse) mais fustige aussi dans le même temps les grands hommes d'affaires dont la réussite confère une arrogance détestable (l'industriel cynique Carlo Fenoglio joué avec délectation par Ruggero Marchi). Les "petites gens" ne valent guère mieux tel la maîtresse Gioia (Leonora Ruffo) et sa famille s'accrochant aux premiers nouveaux bienfaiteurs venus tant qu'il a le portefeuille bien rempli.

Ce constat éclate avec plus de force encore lorsque l'intrigue rend soudainement Alberto veuf après que le train de son épouse ait déraillé et coulé dans un lac. C'est du pain béni pour un Alberto Sordi aux larmes de crocodile et au sourire en coin lorsqu'il apprend la nouvelle et l'acteur déploie avec un plaisir jubilatoire son registre le plus odieux, bombant le torse et fanfaronnant en vue de son futur héritage. Son entourage ne vaut pas mieux avec une tordante scène de veillée funèbre où ancien créanciers, amis gentiment méprisants et autres vautours divers deviennent soudain des êtres compatissants ne désespérant pas d'avoir leur part du gâteau.

Une drôle de surprise attend pourtant Alberto qui s'est sans doute vu veuf richissime un peu trop vite. Le film plane très haut dans la drôlerie et le cynisme jusque-là et on rit aux éclats devant cette avalanche de comportement irrécupérables. La dernière partie lorgnant sur la comédie policière et un stratagème alambiqué pour se débarrasser définitivement de l'épouse gênante n'est pas désagréable mais nettement moins original et prenant. Et puis dans la comédie italienne, en matière de plan millimétré qui tourne à la catastrophe comme chacun sait Le Pigeon de Mario Monicelli reste intouchable. Un très bon moment néanmoins même si pour voir le thème plus brillamment exploité il faudra voir Il Boom de De Sica, d'un tout autre niveau.

 Sorti en dvd zone 2 français chez SNC/M6 Vidéo

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