Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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lundi 23 juillet 2012

Passion Fatale - The Great Sinner, Robert Siodmak (1949)


Fédor, jeune écrivain russe, tombe amoureux d'une jeune fille, Pauline, qu'il rencontre dans un train et décide de la suivre à Wiesbaden, ville d'eau à la mode où elle va rejoindre son père. Fédor découvre que le général Ostrovski, joueur invétéré, presque ruiné, a promis sa fille Pauline en mariage au directeur du casino pour couvrir ses dettes. Fédor gagne au jeu de quoi racheter les dettes et libérer Pauline mais succombe à son tour cette passion.

The Great Sinner est une adaptation du court roman Le Joueur de Dostoïevski. Avant le film de Siodmak le projet de cette adaptation eu court dès le début des années 40 avec William Dieterle à la réalisation et Albert Basserman dans le rôle de Fédor. Il fallut cependant le rachat des droits par la MGM pour que le projet aboutisse. Gregory Peck obtint rapidement le rôle principal tandis qu'après avoir annoncé Deborah Kerr en Pauline le choix se porta finalement sur Lana Turner qui pour cause de lune de miel prolongée dû renoncer à son tour, l'ensemble de ses défections profitant à Ava Gardner alors en pleine ascension et sera parfaite (sans doute plus que n'aurait pu l'être Lana Turner).

 Le Joueur était en grande partie inspiré du démon du jeu qui rongea Dostoïevski, lui-même joueur compulsif et qui le rédigea dans l'urgence en 27 jours alors qu'il était tombé au plus bas. C'est précisément l'angle choisit par l'adaptation qui entretien plus que le livre encore la proximité en son héros et l'écrivain. Le personnage de papier Alexeï Ivanovitch se nomme donc désormais Fédor (prénom de Dostoïevski), n'est plus précepteur mais écrivain, l'ouverture du film montrant le héros à bout de force terminer son manuscrit sous les soins bienveillant de Pauline fait écho à la situation de rédaction d'urgence cité plus haut. En effet l'auteur était contraint de terminer son roman avant une certaine date sans quoi son éditeur pourrait publier n'importe lequel de ces écrits sans le rémunérer, la fin du film où Gregory Peck se trouve à la merci du directeur de casino Melvyn Douglas s'inspirant à nouveau de cet élément de la vie réelle de l'écrivain. Toute la facette du livre où Dostoïevski affirme sa haine des sociétés européennes perverties et corrompues disparait donc totalement au profit de cet axe choisit par les scénaristes et Siodmak.

L'histoire est ainsi celle d'un parcours inversé aux répercussions dramatique. D'un côté, le jeune Fédor (Gregory Peck) écrivain renommé à l'existence sans remous. De l'autre celle qui va tout faire basculer lors de leur rencontre dans le train, Pauline Ostrovsky (Ava Gardner) femme à la beauté renversante mais aussi joueuse invétérée écumant les casinos d’Europe avec son père (Walter Huston). Tombé fou amoureux d'elle, Fédor la suit dans la ville allemande où elle s'est établie. La narration en flashback suivant les pages du livre le place donc en observateur distant de cette communauté étrange. Une remarquable séquence résume la folie du joueur avec la rencontre de Aristide Pitard (Frank Morgan), symbole de la guigne et du pathétique du joueur ne connaissant pas ses limites et qui malgré l'aide de Fédor va sombrer. D'univers extérieur et inconnu, la table de jeu va devenir à son tour une drogue pour Fédor d'abord pour une noble cause puis par la même folie qui va le gagner à son tour. Ayant réussi par amour à faire entendre raison à Pauline sur cette vie sans but, il se confronter à la terrible dette qu'elle et son père ont contracté au redoutable directeur de casino Armand de Glasse (Melvyn Douglas) et obstacle à leur relation.

Siodmak montre donc le démon du jeu s'emparer du jeune ingénu avec une grande subtilité lors d'une longue séquence riche dans le sens du détail, entre le petit rien qui laisse croire qu'on a une chance et pousse à poursuivre le jeu, le sentiment de toute-puissance et d'omniscience quand tout vous réussit et bien sûr la poursuite de cette sensation qui vous poussera à revenir parier, encore et encore à la démoniaque roulette en quête de cette adrénaline. Gregory Peck délivre une impressionnante prestation dans ce long chemin de croix vers la déchéance. Arborant son élégance coutumière dans les premiers instants du film, l'acteur se désagrège progressivement dans une attitude compulsive du drogué qu'il est devenu, le regard vitreux et le visage rongé par une barbe. 

Rien ne compte plus que le prochain pari, le monde en dehors du casino ne lui renvoie plus qu'une série de chiffre possible à tenter à la roulette comme le montre une remarquable séquence de dialogue avec Ava Gardner où l'on constate que bien qu'animé de bonnes intentions le mal à fait son œuvre. Ava Gardner en observatrice impuissante et coupable est très touchante, sa beauté remarquablement mise en valeur par le cadre d'époque (superbe photo de George J. Folsey, reconstitution somptueuse de Cedric Gibbons et costumes à tomber d'Irene et Valles) ne suffisant pas à pas stopper la descente aux enfers de Peck. Pour la première de leur trois collaboration (avant Les neiges du Kilimandjaro et Le dernier rivage) l'alchimie entre eux est déjà marquante. Melvyn Douglas est également perfide à souhait en directeur de casino se délectant (et provoquant) les errances des plus faibles de ces clients.

Le film a un peu la main lourde sur la fin (la grand-mère accro en cinq minutes et qui meurt carrément sur la table de jeu) et traîne à se conclure en répétant inlassablement les mêmes motifs pour appuyer la chute de Peck (le passage chez l'infâme usurière jouée par Agnes Moorhead) mais aura néanmoins réussi à largement captiver tout du long.

Sorti en dvd zone 1 chez Warner dans la collection Warner Archives et donc sans sous-titres.

Extrait

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