Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mercredi 4 juillet 2012

La Féline - Cat People, Paul Schrader (1982)


Après la mort de leurs parents la jeune Irena Gallier retrouve son frère aîné, Paul, qui vit près de la Nouvelle Orléans. Peu de temps après, Paul disparaît sans laisser de traces dans une maison close où une prostituée a été attaquée par une panthère. On réussit à capturer l'animal qu'on enferme dans un zoo où, le lendemain, Irena accourt. Elle se lie d'amitié avec un des zoologistes, Oliver Yates.

Aujourd’hui argument pécuniaire pour des relectures vaines et sans idées, le concept de remake a pourtant entre de bonnes mains donner cours à des œuvres fascinantes. Le début des années 80 s’avère assez propice à des remakes ambitieux et bousculant les certitudes des originaux. Plusieurs furent produit au sein de la Universal comme le terrifiant et organique The Thing de John Carpenter (1982), l’outrancier et fascinant Scarface de Brian De Palma (1983) tous deux revisitant les classiques d’Howard Hawks et donc Cat People de Paul Schrader réinventant lui le chef d’œuvre de Jacques Tourneur.

Paul Schrader reste dans la lignée de Tourneur sur le point de départ. Une jeune femme (Simone Simon dans l’original et Nastassja Kinski ici) effrayée par l’accomplissement de sa sexualité réveille une malédiction familiale qui lorsqu’elle est en proie au désir la transforme en panthère. Tous les éléments du film de Jacques Tourneur, dans l’histoire comme le contexte de production dévoilent une œuvre reposant sur la frustration.

Le rigoureux Code Hays rendait l’argument de départ très sous-jacent (on sait seulement que le mariage n’est pas consommé) et les contraintes de budget contribuaient à la géniale invention de la peur par le hors champ typique des productions Val Newton pour instaurer un mystère dont la fascination et l’effroi demeure inégalé en suggérant l’innommable.

Au premier abord et en se focalisant sur l’original Paul Schrader a donc tout faux. Esthétique tape à l’œil typées 80’s (dans la lignée de l’esthétique MTV qu’il contribua à inventer et populariser avec son American Gigolo (1980)), récit démonstratif qui explique et montre tout ce qui était éludé dans le film de 1942. Ces différences ne sont cependant pas là pour de simples velléités spectaculaires mais nourrissent le fond antinomique des deux films.

Si les deux héroïnes sont intimidées par le sexe, Simone Simon fait réellement figure de créature apeurée dont la peur de commettre l’acte réveille les démons surnaturels. Nastassja Kinski est bercée des mêmes frayeurs mais n’en est pas moins attirée par le stupre. Tout dans la posture, le physique et les attitudes de Simone Simon trahit une peur panique du sexe pour une colère, une culpabilité et une frustration qui la transformeront en panthère.

Nastassja Kinski est autrement plus ambigüe, rongée par le désir (la première rencontre avec John Heard où son attitude réservée est contredite par des regards brûlant et des dialogues pleins de sous-entendus) mais refusant de s’y abandonner pour des raisons qu’elle ignore encore. Tourneur avait réalisé un film sur la frigidité féminine quant au contraire Schrader scrute l’éveil de ce désir féminin. Le film n’est ainsi qu’une lente montée en puissance, une longue attente dont l’issue ne peut-être qu’un coït fiévreux.

En réveillant la Bête qui est en elle, Irena devient une femme complète, ce que viennent surligner les symboles de menstruations plus (les coulées sanglantes lors du meurtre dans le zoo, Irena qui observe son sang après sa première fois à la fin) ou moins (la couleur rouge ocre du monde des rêves) appuyés dans l’imagerie du film.Toujours partagé entre culpabilité et débauche du fait de son éducation calviniste (dualité qui nourrit tous ces films), Schrader place cette libération sexuelle sous l’aune d’un terrible tabou incestueux. Sous peine de coucher entre frères et sœur liés par le même mal, les « Cat People » condamne leurs amants d’un soir à une mort violente lorsque le plaisir assouvi ils se transforment alors en panthère noire.

Les scènes troubles et équivoques entre Malcolm McDowell et Nastassja Kinski créent donc un certain malaise tandis que le cadre de la Nouvelle Orléans (ville cosmopolite dont les habitants ont rapportés et conservés les rites de leurs origines) offre un pendant parfait aux hypnotiques séquences païennes en Afrique où on découvre la tradition ancestrale et transgressive des « Cat People ». Les images sont absolument fascinantes et renforcée dans leur étrangeté par le score magnétique de Giorgio Moroder qui délivre sa bande-originale la plus brillante.

Avec pareil parti pris, la conclusion diffère donc totalement de Jacques Tourneur où l’héroïne incapable de résoudre son conflit périssait tragiquement. Nastassja Kinski sait parfaitement ce qu’elle veut et plutôt qu’une vie humaine forcément chaste choisira de céder totalement à la Bête qui ne sommeille plus mais est une part dominante de sa personne.

L’éclat de la beauté et de la sensualité de l’actrice n’a jamais autant brillé, magnifié par un Schrader qui fut son amant durant le tournage et qui explique sans doute la puissance charnelle dégagée par Kinski filmée sous tous les angles. Les dernières minutes sont plus envoutantes et rattrapes largement les quelques petites fautes de gout qui traverse le film (effet spéciaux grossiers parfois, une reprise inutile et ratée de la scène de la piscine de l’original). Erotique, original et stylisé, un des meilleurs films de Paul Schrader.

Sorti en dvd zone 2 français chez Universal

2 commentaires:

  1. Ouch ! J'avais vu ce film à sa sortie en salle, juste après celui de Tourneur, et il ne m'en reste que le souvenir d'un vidéoclip géant, assez kitsch, relativement démonstratif et vulgaire. Comme quoi...

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  2. Et oui mais l'erreur c'est vraiment de comparer avec le Tourneur, le propos n'est pas le même (Schrader a beaucoup regretté d'avoir gardé le titre de l'original après coup). Le Tourneur parle de la peur du sexe quand Schrader évoque son éveil et du coup adopte une esthétique plus outrancière pour l'illustrer. Après c'est clair que c'est too much et qu'on peut trouver ça kitsch mais bon c'est un parti pris. Il a cependant déjà été plus subtil dans ces excès visuels comme son biopic de Mishima qui suivra mais bon ça va l'esthétique 80's n'est pas trop un repoussoir pour moi ^^

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