Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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vendredi 22 juin 2012

Marchands d'illusions - The Hucksters, Jack Conway (1947)


Publiciste, Victor Norman est chargé de trouver une veuve de guerre pour être le nouveau visage d'un savon de beauté. Il ne tarde pas à tomber amoureux d'elle.

The Hucksters est une audacieuse et surprenante production hollywoodienne par sa thématique remettant en cause les valeurs de réussite et d'argent ancrées dans la culture américaine. Le film adapte le best-seller éponyme de Frederic Wakeman paru l'année précédente et qui malgré son succès reçu un accueil critique mitigé de par la dureté de son propos. Clark Gable lui-même, guère convaincu, demandera une série d'ajustement divers aux trois scénaristes Luther Davis, Edward Choderov et George Wells lorsqu'il décidera de tourner dans l'adaptation signée Jack Conway.

Ces changements également voulus par la MGM concerne notamment le personnage de Deborah Kerr (ici dans son premier film américain) qui de femme adultère dans le livre deviennent une veuve vertueuse mère de deux enfants. Le livre incluait également des protagonistes inspirés de personnalité existantes tel l'agent David Lash (Edward Arnold) relecture du bien réel patron de l'agence MCA Jules Stein et pour s'en éviter les foudres le personnage est largement adouci, son honnêteté étant souligné plusieurs fois dans les dialogues lors du conflit qui l'oppose à Gable (ainsi que des particularités ethniques comme sa religion juive qui auraient fait polémique à l'écran).

L'intrigue nous plonge dans le milieu de la publicité, pas si souvent vus au cinéma semble-t-il. Vétéran de guerre de retour aux affaires, Vic Norman (Clark Gable) est bien décidé à réussir et va mettre tous les atouts de son côté pour cela lorsqu'il est engagé dans la prestigieuse agence de Kimberly (Adolphe Manjou). Ses atouts ? Un culot, un charme et un bagout irrésistible qui lui permettent de convaincre les plus récalcitrants des interlocuteurs. Il faudra bien cela lorsqu'il aura affaire au client le plus important de l'agence, le tyrannique magnat de l'industrie du savon Evans (Sydney Greenstreet haut en couleur).

Clark Gable était bien évidemment l'acteur idéal pour un tel rôle de bonimenteur et le début du film le voit donner un grand numéro de séduction. Il faut le voir arriver tout en décontraction et détachement à son entretien d'embauche alors qu'il est aux abois financièrement, dérouler son numéro tout en regard plissé et sourire en coin à la fillette même de Kay Dorrance (Deborah Kerr) pour la convaincre d'apporter sa participation à son produit. C'est la relation avec cette dernière qui révèlera les failles de cette attitude.

Norman agira ainsi de manière cavalière avec Kay dont il est réellement amoureux en l'invitant à l'hôtel comme la première conquête venue. Cette désinvolture et volonté de réussite à tout prix le voit se conduire de manière tout aussi odieuse dans son job lorsqu'il soumettra un vieil ami au chantage pour obtenir un de ses clients. Au-delà même du héros, le film multiplie les piques grinçant sur le monde de l'entreprise et le capitalisme.

Les réunions professionnelles ne sont que courbage d'échine au tout puissant patron qu'il ne faut surtout pas contredire. Les différents spots publicitaires sont plus d'une fois tournés en dérision (ainsi que les dramas ridicule y étant parfois associés) et leur aspect envahissant se voit mis en boite de manière cinglante durant la scène ou Ava Gardner éteint la radio de dépit car chaque chansons se voit interrompus par de la réclame. Les êtres les plus avenants peuvent s'avérer douteux tel ce moment anodin mais terrible où Adolphe Manjou révèle les origines de sa fortunes... L'ensemble est fort bien documenté et crédible dans la description du fonctionnement du métier, que ce soit les coups bas divers (la négociation roublarde de Gable pour obtenir une vedette) ou dans l'élaboration d'une réclame et de son script.

Cet univers et cette mentalité figurent vraiment un monde à part du commun des mortels illustrés par le triangle amoureux où Gable hésite entre la normalité, la sincérité de Deborah Kerr et la frivolité plus proche de lui d'Ava Gardner, chanteuse évoluant dans les mêmes sphères. Ava Gardner encore starlette montante est fort convaincante malgré son faible temps de présence et aurait accepté le rôle pour Gable qu'elle admirait.

Prenant même peur au dernier moment elle failli abandonner le film avant que Gable ne l'appelle personnellement et la rassure, scellant ainsi leur amitié et leur future complicité dans leur autres films en communs notamment le fameux Mogambo. Deborah Kerr réalise elle un vrai miracle avec un personnage dont les attitudes la rendent constamment faible (cédant à toutes les demandes de Gable, accourant même vers lui malgré son attitude odieuse) et c'est finalement la sincérité constante de Kay qui s'illustre dans les sentiments purs lus dans son regard. Une bien belle prestation.

La conclusion morale et quelque peu utopique est vraiment marquante avec une volte-face étonnante de Gable affirmée par une tirade puissante où il avouera enfin tout son mépris pour cette vie. Sans l'égaler, on n’est pas loin de l'insoumission ressentie dans Le Rebelle de King Vidor avec une même ode au libre arbitre plutôt qu'à la réussite à tout prix.

Sorti en dvd zone 2 français chez Warner dans la collection "Les Trésors Warner"

Extrait génial de comité d'entreprise

2 commentaires:

  1. je ne connaissais pas ce film.
    Concernant la satire de la pub,il y a le célèbre film de Cukor,"une femme qui s'affiche"("it should happen to you" 1954)

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  2. Ah pas vu ce Cukor je note merci! Sinon pour "Marchand d'illusion" on est plus dans la pamphlet que dans la satire il n'y a pas d'humour marqué c'est un ton plus doux amer. En film satirique et outrancier sur la pub (et assez passionnant dans le contexte des années 50 où la télévision fait son apparition) il y a le génial "La Blonde explosive" de Frank Tashlin. J'en parlais ici sur le blog
    http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2011/05/la-blonde-explosive-will-success-spoil.html

    Et sur la réussite et le monde de l'entreprise j'aime beaucoup aussi L'Homme au complet gris assez passionnant avec Gregory Peck et Jennifer Jones
    http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2011/07/lhomme-au-complet-gris-man-in-gray.html

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