Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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jeudi 21 juin 2012

Les Jours et les Nuits de China Blue - Crimes of Passion, Ken Russell (1984)

Un jeune père de famille, détective pour arrondir ses fins de mois, est engagé pour surveiller la trop discrète styliste Joanna que son patron soupçonne de vendre ses modèles à la concurrence. Mais la nuit, Joanna devient China Blue, prostituée dans les bas-fonds de LA où, parmi ses clients, elle fascine un prêtre défroqué psychopathe...

Les Jours et les Nuits de China Blue (une fois n'est pas coutume on préférera le fantasmatique titre français au plus quelconque Crime of Passion original) s'ouvre sur une scène de thérapie de groupe qui en résume en tout point la thématique à travers les échanges entendu et la maladroite confession finale de celui qui s'avérera être le héros. Il est ici question des difficultés des rapports hommes/femmes et des traumas qui en résultent pour qui ne sait pas les appréhender : détresse sentimentale et par extension sexuelle. Ces problèmes, Joanna Crain (Kathleen Turner) les as résolus de la plus schizophrène et radicale des manières. Le jour elle est une styliste solitaire et obnubilée par son travail et fuyante avec les hommes, facette traduite par ses tenues très masculine et dénuée de séduction.

La nuit, elle devient China Blue, prostituée des bas-fonds de LA prête à assouvir les fantasmes les plus fous de ses clients. Ce qui semble une audace est en fait une vraie fuite pour le personnage. Déçue par ses expériences avec les hommes et craintive de souffrir à nouveau, elle transpose toute son désir refoulé dans cet alter-ego sulfureux. En miroir des pulsions de ces hommes frustrés, elle peut alors endosser tous les rôles, accepter tous les outrages tant qu'elle a cette certitude : elle garde le contrôle de la situation. Ken Russell créer une dichotomie marquée entre le monde réel terne symbolisé par la vie de famille morne de Bobby (John Laughlin), le quotidien solitaire de Joanna et celui de tous les possibles intervenant la nuit venue.

Ken Russell et son style tout en excès confère donc une imagerie de conte sombre et pervers à cette dépravation. Imagerie tape à l'œil baroque tout en éclairages outrancier, théâtralité de tous les instants (extraordinaire première apparition de China Blue élue reine de beauté) et audace folle dans l'illustration du sexe parcourent ces instants-là. Kathleen Turner est réellement extraordinaire dans ce double rôle. Empruntée et touchante en Joanna, elle électrise à chaque transformation en China Blue. C'est une véritable femme frisson à la sensualité constamment agressive, que ce soit par le festival de dialogue truffé de jeu de mots et de sous-entendus tendancieux, les poses lascives et le dialogue brûlant. Tout cela n'est pourtant qu'une illusion qui va voler en éclat à travers deux rencontres. D'abord par Bobby, homme marié frustré et malheureux qui va la combler et éveiller ses sentiments de manière inattendue. Russell effectue ce mouvement le temps d'une fabuleuse scène d'amour où l'on quitte progressivement la sphère du fantasme pour toucher à l'intimité de Joanna sous le masque de China Blue.

La scène montre donc China Blue mener le jeu avec un déshabillage lent et langoureux, la stylisation et l'abandon se confondent à travers les multiples positions adoptées en ombres chinoises par les partenaires avant de se conclure par le visage de Kathleen Turner arborant un rictus de plaisir. Elle ne joue plus, ce n'est pas China Blue mais bien Joanna qui touche à l'orgasme ainsi. Sans un dialogue trop explicite et par la force de l'image on comprend que tout a basculé pour une vraie histoire d'amour.

L'autre élément révélateur sera le prêtre au désir sexuel coupable joué par Anthony Perkins. La conclusion ira dans ce sens en en faisant un double de Joanna qui déchiré entre ses perversions (nettement plus inquiétantes) et sa foi. Lorsqu'il harcèle China Blue de son inquisition moralisatrice, c'est en fait sa propre culpabilité qu'il nourrit. On y verra bien sûr une réminiscence du message de Les Diables du même Ken Russell à travers cette dimension religieuse bien que ce soit à relativiser puisque dans le script originel le personnage était un marchand de chaussure avant de devenir un prêtre à la demande d'un Perkins fiévreux et dérangé.

A travers ces deux figures masculines figurent aussi les choix possible de Joanna. S'autodétruire dans une double identité qu'elle n'assume plus ou accepter de fusionner ses sentiments et son désir en s'attachant à Bobby. Ken Russell tenait encore une grande forme dans les 80's et le film malgré les dérapages divers et les fautes de gouts 80's est impressionnant de maîtrise.

Son gout pour la provocation est toujours là (la scène SM avec le policier tout en zoom agressifs et inserts tordus) mais il peut également faire preuve d'une étonnante sensibilité comme lors de ce beau moment où China Blue doit réveiller la libido d'un vieil homme mourant.

Sorti en dvd zone 2 français chez Sidonis

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