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mercredi 18 janvier 2012

Ceux de chez nous - Millions like us, Sidney Gilliat et Frank Launder (1943)


Lorsque Celia Crowson est mobilisée, elle rêve de gloire militaire, mais c'est une jeune femme célibataire et, dès lors, elle est orientée vers une usine fabriquant des pièces d'avion. Là, elle fait la connaissance d'autres jeunes filles de tous horizons, et entame une relation avec un pilote…

Millions like us est un grand mélodrame typique de ce qu'on associe au récit de home-fronts dramas surtout vivace durant la Deuxième Guerre Mondiale et où on s'attarde sur le quotidien des civils en temps de guerre. Dans le cinéma américain le plus connu serait sans doute le beau Since you went away de John Cromwell (1944) et ici du côté anglais l'aspect film de propagande s'avère nettement plus prononcé. Les films de Powell/Pressburger et le cinéma anglais de cette période l'ont prouvé, cela n'empêche absolument pas de délivrer des oeuvres intéressantes et réussies, ce qui est exactement le cas ici.

L'aspect propagande se fond finalement très bien dans la progression dramatique de la trame et avec les thèmes évoqués grâce au scénario équilibré de Sidney Gilliat et Frank Launder. Millions like us est le premier film des deux acolytes qui ont surtout brillé jusque là en tant que scénaristes pour des titres aussi remarquables que Une femme disparaît, sa vraie fausse suite Train de nuit pour Munich de Carol Reed ou pour revenir à Hitchcock La Taverne de la Jamaïque. Ils franchissent donc le pas pour passer à la réalisation ici et fondent par la même occasion leur société de production Individual Pictures.

Le film s'ouvre sur le grand départ de la famille Crowson pour la côte sud de l'Angleterre en ce tout début de guerre. Parmi eux Celia (Patricia Roc) jeune fille timide et réservée qui vit dans l'ombre de ses deux soeurs aînées dont la très séduisante Phyllis (Joy Shelton), ce qu'on constate dès une courte scène dans un dancing où elle est laissée à son sort tandis que les prétendants se disputent Phyllis. La contribution à l'effort de guerre sera l'occasion pour Celia de s'émanciper et voler de ses propres ailes.

Ses rêves de gloire tournent court pour cause de célibat et elle est orientée vers une fabrique de pièce d'avions. On sent vraiment le brio de l'écriture du duo croque avec tendresse cette petite famille à travers le père bougon attachant (Moore Marriott), les deux soeurs et un Patricia Roc parfaite de candeur et d'innocence tel ce fondu qui la voit fantasmer un destin d'infirmière de choc ou d'assistante chevronnée de pilote avant de déchanter pour une plus modeste condition d'ouvrière d'usine.

Quitter son foyer pour ces nouvelles responsabilités l'amènent à mûrir en rencontrant d'autres jeunes femmes d'horizon divers, mais aussi à rencontrer l'amour avec une jolie romance avec un jeune pilote (Gordon Jackson). Là encore on a un éventail variés de figures féminines parmi les ouvrière, tous marquants quelque soit leur temps à l'écran. D'ailleurs si l'histoire d'amour entre Celia et son pilote est charmante (cette entrevue empruntée à l'extérieur du bal, les petites disputes d'incompréhension) on est finalement plus intéressé par celle plus piquante entre l'ouvrière snob peu coopérative Jennifer (Anne Crawford) et le contremaître psychorigide incarné par Eric Portman.

On évite ainsi de tomber dans la niaiserie béate avec deux visions de rapprochements possible complémentaire, que ce soit des de jeunes gens découvrant la vie ou des adultes aux mondes différents que le contexte amène à se lier. Le jeu amoureux entre Portman et Anne Crawford durant le bal ou les échanges vachards à l'usine amènent ainsi une agréable touche de screwball comedy, la jeune snob hautaine étant progressivement séduite par la poigne de fer de cet homme (feignant d'être) insensible à ses charmes.

Gilliat et Launder par ses petites touches et cette description du quotidien humanisent magnifiquement leur personnages tandis que l'arrière-plan funeste ne s'estompe jamais vraiment. La touche documentaire (les séquences en usine, les scènes de bombardements, les rondes, issues des images militaires réelles) est toujours soumise aux réactions des personnages, favorisant ainsi l'identification.

On tremble avec les ouvrières réfugiées dans leur local durant les bombardements, la bande son saturées d'explosions et de bruits de moteurs d'avion vient constamment rappeler à Celia le danger que cours l'homme qu'elle aime. Plus symboliquement, la dernière partie voit le couple en voyage de noce revenir à l'hôtel où s'était réfugiée la famille en début de film et désormais seul un bâtiment s'élève au milieu des décombres qui constituait le quartier. Sans un mot, les ravages matériels et humains du conflit sont montrés avec pudeur.

Après une douloureux rebondissement, ce dur labeur dédié à la nation apparaît comme le seul refuge provisoire de ces femmes courageuses dans une magnifique dernière scène où elles entonnent Waiting at the Church en écho à un moment plus heureux du film où elle était déjà chantée. Une belle conclusion mélancolique mais qui ragaillardit par sa notion de courage et assimile parfaitement la volonté de propagande à l'émotion réelle de l'histoire. Un film comme A Canterbury Tale est certainement plus complexe sur ces même questions et Gilliat délivrera une oeuvre bien plus aboutie sur des thèmes voisins dans l'excellent Waterloo Road. Cela n'enlève rien au mérite de ce très beau film qu'est Millions like us.

Sorti en dvd zone 2 anglais et dépourvu de sous-titres anglais

Extrait

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