Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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jeudi 10 mars 2011

Le Mangeur de Citrouille - The Pumpkin Eater, Jack Clayton (1964)


Jo (Anne Bancroft a cinq enfants. Cette jeune femme, dont c’est le second mariage, rencontre un jour l’écrivain Jake Armitage (Peter Finch) duquel elle s’éprend amoureusement. Elle quitte alors son mari pour épouser Jake, alors que sa carrière prend son envol. Deux enfants naîtront de ce troisième mariage et Jo s’installera bon an mal an dans la maternité. A sa huitième grossesse, son mari se révolte et la force à l’avortement. En pleine dépression nerveuse, Jo consent à se faire stériliser, pensant ainsi sauver son mariage. Elle se rend compte que son mari la trompe et que la maitresse de celui-ci est enceinte, alors qu'elle-meme vient de se faire stériliser.

Le mariage, un bonheur paisible qui peut se transformer en terrible enfer si les attentes de chacun se révèlent diamétralement opposés au fil des années. C'est toute la problématique de ce mélodrame puissant aux thèmes passionnant à l'orée des mutations sociologiques des 60's. Le film adapte un roman de Penelope Mortimer qui usait de la fiction pour relater ses amours tumultueuses (remariage, adultères, enfants illégitimes..) à travers une héroïne perturbée incarnant son double de papier. A l'écran il s'agit de Anne Bancroft, femme en terrible manque d'affection qui compense sa peur du vide en multipliant les grossesses etles maris. Le troisième (Peter Finch) semble être le bon, prêt à accepter cet amour étouffant et une maisonnée bruyante d'enfant. Anne Bancroft incarne un personnage qui ne peut passer le cap amenés par l'évolution des moeurs et qui s'accroche maladivement à son statut de femme d'intérieur et de mère, seule manière d'exprimer sa féminité.

Jack Clayton appuie ce fait dans son dispositif de mise en scène de manière appuyée dès l'ouverture. On voit ainsi Anne Bancroft dépitée après le départ de son mari déambuler tel un spectre dans leur demeure vide, l'absence des enfants à ce moments là renforçant son inutilité. Sur le score mélancolique de George Delerue s'amorcent alors des flashbacks au détour des pièces de la maison qu'elle arpente, nous faisant ainsi remonter dans le temps à une époque ou le bonheur familial et conjugal était idéal malgré des signes avant coureurs du drame (dont une première tromperie avec une toute jeune Maggie Smith).

Le retour au présent montre alors cette cellule brisée par des années de ce régime, les enfants grandissant et le mari se consacrant à la réussite de sa carrière faisant remonter les angoisses de Jo. La force du film tient grandement à la performance incroyable d'une Anne Bancroft au bord de la rupture. Si cette anxiété trouve son explication dans la vie de Penelope Mortimer (qui a subit un inceste dans son enfance) elle garde tout son mystère au sein du film grâce à la prestation fascinante de l'actrice. Tour à tour sûr de sa féminité et séductrice, elle peut se désagréger dans l'instant si l'équilibre de son foyer vacille, notamment quand elle soupçonnera son mari d'adultère. Possessive jusqu'à la folie (dont une scène mémorable où elle reproche à son psychiatre de partir en vacances...) c'est bien sûr inversement dans son trop plein d'amour qu'elle s'aliène progressivement son mari superbement joué par Peter Finch.

Clayton multiplie les effets montrant le fossé s'établissant entre eux en jouant de leurs deux silhouettes constamment décalées dans la profondeur de champs ou le découpage, quand ce n'est pas tout simplement une cinglante réplique (la scène ou Finch découvre que sa femme à malgré les précautions à nouveau réussie à tomber enceinte est d'une grande noirceur) qui vient foudroyer l'autre. La situation semble inexorable tant tout est fait pour rendre cauchemardesque l'institution du mariage à travers d'étranges rencontres (étonnante séquence où une femme guettée par la folie interpelle Anne Bancroft dans un salon de coiffure) ou le personnage absolument répugnant et inquiétant que joue James Mason (d'ailleurs le film évoque un pendant anglais de Derrière le miroir de Nicholas Ray) . Il est lui un pendant violent et menaçant d'Anne Bancroft prêt à d'autres extrémités pour pour sauver son couple.

Le film aborde tout ces thèmes sans fards, autant dans le script de Harold Pinter qui semble vraiment préserver l'essence du livre (on parle ouvertement avortement, frigidité, perversion...) que dans les situations osées que se permet Jack Clayton très inspiré. Anne Bancroft qui perds ses nerfs en plein Harrods, une rixe conjugale d'une brutalité étonnante ou encore les séquences sexuelles fort appuyées étonnent vraiment pour un film de 1964. Après avoir poussés ses personnages à se faire tant de mal et se dire tant d'affreuses vérités, le film se conclue sur une surprenante touche positive avec l'apaisement enfin atteint d'Anne Bancroft. Alors que toute les tentatives de changements forcés avait ramené le couple à la case départ, un échange final tout simple laisse tout de même une note d'espoir pour l'avenir car l'amour ne semble pas éteint entre eux ce qui est l'essentiel. Anne Bancroft sera salué pour sa performance du prix de la meilleur actrice à Cannes et au Golden Globe et sera nominée à l'Oscar.

Sorti en dvd zone 2 anglais et doté de sous-tires anglais

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